Un Dieu du Mal ? (article 27)

Crédit pour le montage graphique : Éric Dorion

Jamais l’instruction publique, ou même privée, n’a perdu de temps avec ce qu’elle considérait comme des sornettes orientales. Ici en Occident, la triade monothéiste a toujours maintenu une grande cohésion malgré de sévères différents, une cohésion qui pourrait ressembler à : Choisissez la religion que vous voulez, mais seulement entre nous trois ! Et cela s’est reflété sur toute la culture occidentale.

Pour aborder autre chose que le mal psychiatrisé, le mal du Diable des monothéistes, nous allons explorer le Mal pour le Mal, alors faudra-t-il à ce point déterminer si un Dieu du Mal existe, devenant la dernière piste après avoir exploré le Mal animalisé, le Mal acquis par des milieux toxiques, le Mal du Diable des monothéistes, le Mal des Tyrans ?

Mani

Qui dit Dieu du Mal, dit concept manichéen et qui dit manichéen dit alors Manès, aussi appelé Mani, un personnage persan du 3e siècle. C’est un amalgame entre de très anciennes religions, dont l’une de par sa version modifiée fut la plus grande menace à l’établissement du christianisme, soit le mithraïsme. Le manichéisme n’existe plus en tant que religion, mais nous continuons d’utiliser l’épithète manichéenne pour désigner tout ce qui touche à l’existence radicale et sans nuance du Bien et du Mal.

Dès que le manichéisme pose le pied en Égypte, alors sujette de l’Empire romain vers 297 et 30 ans avant que Constantin 1er ne catholicise ledit empire, il est aussitôt sujet à la persécution. On n’en voulait pas, car tout l’enseignement manichéen allait à l’encontre des croyances de l’époque et les Romains, pas plus que les Grecs, n’aimaient les Perses. Personne n’aimait les Perses. Plus tard, des auteurs chrétiens, dont Augustin, vont se jeter sur les thèses de Mani avec une férocité similaire à celle qu’ils auront contre les femmes et le sexe. Mais que proposait donc cette nouvelle religion ?

Une Genèse totalement différente

Nous ne sommes pas habitués à penser comme un manichéen. Notre culture sociale teintée par la religion traditionnelle, qui nous a engouffrés dans son giron dès la naissance, a dressé le seul portrait que nous connaissons, soit celui de Dieu au Ciel, avec son Fils, sa maman et une myriade de saints, de saintes, d’anges et d’archanges et un Enfer où se trouvent Satan, ses démons et les âmes des damnés. C’est nous ça ! Les Bons et les Méchants et si on est méchant, on va en Enfer et si on est gentil on va au purgatoire et plus tard au Paradis. Un peu banal et enfantin je vous l’accorde, mais les humains impressionnables et faciles à intimider l’étaient plus encore il y a quelques milliers d’années.

Pour Manès, c’est un autre univers où il n’y a pas de Jésus, de Yahvé, d’Allah, d’archange Michael, de Lucifer ou de Satan. Il traite du royaume de la Lumière et de la Vie divine, où s’exprime ce qui relève de l’éternité versus, le royaume des Ténèbres, de la matière, où s’exprime ce qui relève de l’espace/temps. C’est donc plus une lutte du Ciel et des Ténèbres, de la Lumière et de l’Obscurité, de l’Ordre et du Chaos que du Bien et du Mal. En d’autres termes, avec Manès, cette lutte est gentrifiée, elle prend du grade, elle est pontifiante et dépasse de loin la lutte des Bons garçons contre les Mauvais garçons. On change de registre, on tombe dans les ligues majeures.

Dans le fondement même du manichéisme, le monde est divisé en deux, le Haut et le Bas, la Lumière et les Ténèbres qui coexistaient sans jamais se mêler. Toutefois, vint un jour que les Ténèbres ont voulu envahir la lumière et que, de ce conflit, l’homme est né et que sa mort devient un processus d’élévation suprême, de libération de l’esprit. On raconte :

« Un jour les Esprits des Ténèbres voulurent donner l’assaut au royaume de la Lumière. Ils parvinrent jusqu’à la frontière de ce royaume et voulurent en faire la conquête. Mais ils ne pouvaient rien contre le royaume de la Lumière. » La lumière peut éclairer les ténèbres, mais les ténèbres ne peuvent ombrer la lumière. « Les Esprits du royaume de la Lumière prirent alors une partie de leur propre royaume et la mêlèrent au royaume matériel des Ténèbres. » Il s’ensuivit un mélange sulfureux, « si bien que le royaume des Ténèbres se consume constamment lui-même et porte ainsi en lui le germe de son propre anéantissement – ou pour l’homme, d’une transmutation en lumières passant par la formidable coruscation de la mort. » Ce qui en résulte est :

« Que le royaume des Ténèbres doit maintenant être surmonté par le royaume de la Lumière, non par le châtiment, mais par la douceur et l’amour ; non pas en s’opposant au Mal, ni en le combattant, mais en se mêlant à lui ; afin de rédimer le Mal en tant que tel. »[1]

Ce n’est pas un concept aisé à saisir. Tout comme lorsque Andrew – Ender – Wiggin, ce personnage fictif du Cycle d’Ender de l’auteur Roson Scott Card nous dit : « Quand je connais mon adversaire parfaitement au point de pouvoir enfin le vaincre, c’est alors qu’aussi je l’aime ! » Cela peut sembler étrange comme propos, ce qui nous rapproche de très près du commandement dans Matthieu 5 : 44-45 :

« Vous avez appris qu’il a été dit: Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est aux cieux, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes… »

Le judaïsme enseigne également le même principe si on se base sur les Proverbes 19:11 et 25:21 :

« L’homme qui a de la sagesse est lent à la colère, et il met sa gloire à oublier les offenses. Et… Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger ; S’il a soif, donne-lui de l’eau à boire. »

Un problème d’énergie !

Pour le manichéen, ce qui est énorme par rapport à notre version du Bien et du Mal réside dans le fait que pour nous, Satan et Lucifer ne sont que des Anges déchus, des irritants de taille, mais chez Manès la lutte entre le Bien et le Mal suppose deux adversaires de force égale,[2] un dérivé du Taijitu taoïste (Yin Yang). Les Ténèbres, comme déjà dit, n’existent pas en réalité, ils n’ont ni masse ni énergie, tout comme le froid est à l’opposé du chaud, ces deux-là, froid et obscurité n’existent que par l’absence du chaud et de la lumière, en bref, l’absence d’énergie ! L’Amour préexiste la Haine, l’Ordre préexiste le Chaos, la Lumière préexiste les Ténèbres.

Il faut tout revoir !

Sur le plan spirituel, il semblerait donc, à tout le moins pour le manichéisme, que le Mal ne soit pas simplement l’absence du Bien, mais une énergie bien réelle, aussi active et puissante que le Bien et, dans un tel cas de figure tout comme les gnostiques en promouvaient la pensée, il y aurait deux Dieux. Le Dieu du Bien et le Dieu du Mal.

Voilà un concept encore plus difficile à intégrer et doit-on le faire ? Devons-nous contempler cette possibilité qu’un Dieu de Haine égal à un Dieu d’Amour existe quelque part ? Outre ce Binôme Divin, pour survivre à la mort et se libérer du cycle des incarnations, le manichéen croit que l’Esprit doit maîtriser éventuellement et avec perfection son détachement complet des liens matériels mais de son vivant, de là le mot éventuellement, car il est inutile même d’y songer dans les premières vies. Nous nous incarnons pour grandir, croître et évoluer, mais éventuellement ce détachement absolu devra se réaliser. Cela porte chez les hindous le terme sanskrit de samsara, qui signifie transmigration, faisant allusion aux vies successives dont nous devons apprendre avec le temps à se libérer. Chez le manichéen le détachement de la matière est essentiel à la libération finale. La distinction avec le monothéisme dans lequel nous sommes englués est vive. Il est question pour les monothéistes de ne plus commettre de péchés, si nombreux et si variés qu’il est inévitable de le faire, à moins d’être un saint, de terminer ce cycle dans un lieu jamais décrit adéquatement qu’on appelle le purgatoire ou alors en cas de péchés mortels, aller passer l’éternité dans les flammes de l’enfer. Le manichéen apprend que pour s’extirper de la matière il doit laisser s’insinuer en lui, d’une existence à l’autre, la grâce pour les uns, l’éveil pour d’autres et enfin l’illumination et le cycle des vies nous en offre de multiples opportunités.

Le manichéisme est très intrusif

Je minimalise le manichéisme pour être compris, mais son essence est très complexe. Henri-Charles Puech, la référence sur les courants religieux nous dit ceci :

« D’un côté, Manès place les Ténèbres, gouvernées par Satan ou le Prince des Ténèbres et de l’autre, la Lumière, gouvernée par Dieu. Dans la loi manichéenne, il n’y a pas de zone grise, un acte est bon ou mauvais, tout simplement. »

Il y eu un moment où les deux se sont entremêlés et Puech nous dit que le manichéen tente constamment de rétablir la division entre Ténèbres et Lumière et doit séparer son esprit de son corps. Pour ce faire, il suivra des règles très strictes réduisant le plus possible toute forme de matérialisme et de sensualité dans sa vie, ce qui admettons-le n’est pas très réaliste. Même la Règle de St-Benoit n’est pas aussi drastique. C’est un peu fou en somme. Il considère ainsi la matière comme quelque chose de mauvais, mais ne la détruira pas.[3] On dépasse les idéaux monastiques les plus intransigeants qui, faut-il le dire, ne sont pas faits pour tout le monde. Pour personne devrais-je dire !

Comme on peut le voir, si la philosophie manichéenne est fort intéressante, elle n’est pas séduisante et surtout pas réaliste avec ses règles extrêmes et intrusives sur le plan pratique du quotidien. La philosophie manichéenne est plus imbuvable encore que celles de la Triade monothéiste avec ses incalculables restrictions, dogmes et autres. Par contre, la philosophie à elle seule sur le comment du combat et sa nature entre le Bien et le Mal indique que le seul moyen d’être totalement dans le royaume de la Lumière, c’est de fuir les Ténèbres et non pas de les combattre.

Est-il essentiel de déterminer si le Mal est une force, une entité, un Dieu, cela n’a d’importance que si la réponse est la même pour les trois versions. Le Mal doit-il être combattu ou fui ? Et s’il doit être combattu, c’est la question du comment qui se pose. N’errons plus dans les hésitations élevées du manichéisme complexe et plus autoritaire encore que tous les autres. Il y a mieux. Beaucoup mieux.

Et vint l’apocatastase !

Et voilà que je vous rentre dans la gorge un beau grand mot qui signifie restauration des choses à leur état originel. Très beau mot à utiliser quand nous serons déconfinés ! Louis de Bonald dans son ouvrage, Les pensées sur divers sujets, nous dit que « Dieu laisse l’homme libre de faire le mal, pour qu’il ait le mérite de faire le bien ».

Véhiculée par trois personnages en particulier soit Origène, Grégoire de Nysse et Évagre le Pontique, l’apocatastase, rejetée par l’Église, suppose que le Mal, comme une pandémie, ne peut durer éternellement, qu’il finira par s’épuiser, vaincu par La lumière. Non seulement les hommes faisant le mal cesseront, mais seront également restaurés les anges déchus, les démons et nul autre que Satan lui-même. C’est comme si le Mal était un immense meuble très ancien et très laid qu’on arrivera un jour à décaper, à reteindre et à restaurer ! J’aime que les choses complexes soient énoncées simplement. Bref, l’apocatastase n’est que du recyclage extrême.

Origène est le père de l’exégèse biblique (185-253) mais simultanément, il croyait en la préexistence de l’âme. Il n’était pas convaincu que Jésus fût l’égal du Père alors il sera, Église oblige, excommunié, emprisonné et torturé ! Trois cents ans plus tard, l’Église revancharde, qui n’en a pas encore fini avec lui, le déclare hérétique lors du second Concile de Constantinople en 553. J’aime bien ceux que l’Église déteste.

Dans sa doctrine dite origénisme, il parle, dans le Traité des Principes, de la préexistence des âmes dans une région du Ciel, « d’où elles sont venues pour animer les corps terrestres pouvant ainsi se purifier et s’élever à la félicité suprême par la communication intime avec Dieu ». Il soutenait également que l’âme de l’homme a péché même avant d’être unie au corps et que les peines de l’enfer ne sont pas éternelles. Selon Origène, Dieu est Infini. Il crée une multitude d’Esprits purs qui s’éloignent de Lui et deviennent alors des âmes. Il leur donne des corps concrets en rapport avec la gravité de leurs fautes : corps d’anges, d’hommes ou de démons. Ces âmes grâce à leur libre choix peuvent se rapprocher de Dieu ou s’en éloigner et le Salut équivaut au retour à la perfection originelle. Là où je vois le corps comme une occasion d’apprendre et de croître par l’expérience la plus difficile et la plus exigeante qui soit, Origène comme Manès, voit le corps comme une punition qui doit se détacher de la matière alors que l’Esprit au contraire doit l’explorer à fond sans s’y perdre, mais bon, on n’est pas obligés d’être d’accord sur tout.

Sa plus intéressante théorie qu’il exprime dans son Traité des Principes est que la nature reviendrait à son état originel. Ainsi, les pécheurs comme les démons, dont Satan lui-même, vont progressivement se purifier afin de revenir à l’état originel qui est bon. Cette approche soulève un aspect du Mal sur lequel peu se sont penchés : sa résilience. Le Mal est-il une Réalité éternelle contre laquelle il faudra toujours s’opposer comme le suggère le manichéisme et le monothéisme, bien que pour des motifs différents, ou est-ce une Réalité qui pourrait être vaincue ? L’apocatastase n’a pas été formulée par Origène. Il reprend ce que déjà les Grecs soupesaient.

Je vais être prudent ici car sous différents angles, d’où ma prudence, la théologie peut aisément générer de très longs et de très complexes débats philosophiques lorsqu’on émaille un tel sujet. Pour un mot, pour un sens, un tout autre édifice intellectuel s’érige dans une forêt d’autres, soit très anciennes ou très récentes, et la confrontation devient anarchique et sans aucune résultante pouvant apaiser l’un ou l’autre camp, car le but est de détrôner l’adversaire ! J’ai participé à ce genre de combat de coqs très snobinards, sous le vernis de la sainte rhétorique, pour me jurer de ne plus jamais m’y adonner. Voilà pourquoi je ne réponds pas toujours à mes courriels. Même les philosophes peuvent entretenir un ego de la taille d’un paquebot ! La vérité ne se trouve pas à l’issue d’une course à obstacles ou d’un marathon, elle peut même demeurer tout aussi magique qu’inconnaissable, ce que les esprits rationnels, qui exigent un os bien charnu comme récompense, ne semblent pas avoir saisi. Déjà ici pour Origène[4] l’apocatastase se définit ainsi :

« Nous affirmons, nous, qu’un jour le Logos dominera toute la nature raisonnable et transformera chaque âme en sa propre perfection au moment où chaque individu, n’usant que de sa simple liberté, choisira ce que veut le Logos et obtiendra l’état qu’il aura choisi. »

Voici un extrait d’entrevue apparu dans le journal República que le Vatican s’est empressé de réfuter :

« Selon Origène, la liberté est l’élément essentiel de la voie qui conduit à l’apocatastase : la libre volonté de Dieu et la libre volonté de l’homme doivent se rencontrer et s’unir. Je vais dans ce sens, j’aime cette vision complètement lessivée des menaces de récolter le fruit du péché, de la honte et de l’humiliation. Dans un tel contexte, inutile de mentionner qu’il n’y a plus donc aucun enfer à tout le moins éternel puisque dans le Traité des Principes on lit : La fin revient toujours au point de départ. Comment envisager le feu éternel d’une perpétuelle Géhenne dans ce cas qui de toute manière fait l’objet de controverses depuis toujours au sein de la chrétienté, leur pape François l’ayant même renié en juillet 2014. »

Mon interprétation est plutôt celle d’un enfant !

Je vois un grand magicien de style Merlin qui s’amuse à créer des jouets puis devient ses propres jouets, joue le jeu de chacun, fait le bien tout comme le mal parce qu’il est dans la nature d’établir un équilibre entre les forces, mais à la fin, tout le monde en ressort gagnant, heureux de son rôle et enrichi d’une magnifique expérience et le magicien en ressort lui aussi grandi d’avoir été ainsi chacun… de Nous. C’est l’anthropodéisme conscient, une expression de mon cru dont je traite longuement dans Les Religions c’est assez !Comme quoi moi aussi je peux inventer des noms d’un mètre de long.

Grégoire de Nysse

Grégoire de Nysse est né en 335 en Turquie d’aujourd’hui. Il fait partie de l’élite de l’Église de son temps et deviendra évêque et théologien. En cette époque, l’empereur Justinien a condamné l’origénisme déjà âgé de 300 ans et l’apocatastase est une cible de choix, ce qui ne semble pas inquiéter Grégoire de Nysse. Voici un extrait de son texte :

« La force du mal n’est pas telle qu’elle puisse l’emporter sur la puissance du bien ; l’inconstance de notre nature n’est pas d’une stabilité plus puissante que la sagesse de Dieu. Ce qui est soumis au changement et à l’altération ne peut avoir une stabilité plus puissante que ce qui demeure éternellement identique, et fermement établi dans le bien. Ainsi, le dessein de Dieu garde toujours et partout son caractère immuable, tandis que notre nature changeante ne peut se fixer, même dans le mal. »

Dans son ouvrage Création de l’homme, Grégoire s’aventure dans un domaine étonnant si on considère que nous sommes au 3e siècle et que des siècles plus tard on débattra encore de la rotondité de la Terre.

« D’après les savants qui s’occupent des phénomènes célestes, la lumière remplit l’univers ; quant à l’obscurité, elle a pour cause l’ombre produite par l’interposition du corps terrestre. Étant donné la forme sphérique de la terre, cette ombre, limitée à l’arrière de la terre par les rayons solaires, a la forme d’un cône ; le soleil, qui est plusieurs fois plus grand que la terre, l’encercle de toute part de ses rayons, ainsi se trouve déterminée la limite où se fait la rencontre de la lumière et de l’obscurité. La conséquence est que, si par hypothèse on pouvait franchir la limite de la zone d’ombre, on se trouverait dans une lumière qui ne serait jamais interrompue par l’obscurité. (…) C’est ainsi, à mon avis, qu’il faut concevoir, en ce qui nous concerne, que, quand nous aurons franchi la limite du mal, si nous arrivons au point extrême de l’ombre du péché, nous vivrons à nouveau dans la lumière, car la nature du bien, comparée à la grandeur du mal, est infiniment plus grande qu’elle. »

J’aime !

Le dernier regard sur l’apocatastase sera celui du moine d’Évagre (345-399). C’est un prédicateur apprécié, mais il est plus gnostique que chrétien, donc vu par l’Église comme une brebis égarée. J’aime les brebis égarées, elles sont moins moutonnes que les autres ! C’est dans son ouvrage, les Chapitres gnostiques, que l’auteur partage sa vision de l’apocatastase. Contentons-nous des extraits les plus simples.

« Dieu produit un monde spirituel d’intelligences contemplatives toutes égales entre elles, mais il arrive un moment où, par lassitude, elles relâchent leur contemplation pour se séparer. Lors de cette séparation intervient ainsi une distinction de ces créatures entre elles. Puis vient la création des mondes matériels pour permettre aux intelligences déchues, suite à cette séparation, de trouver un moyen de salut. Selon leur degré de chute (ou de séparation), les êtres spirituels deviennent des anges, des démons ou des âmes humaines enfermées dans des corps. Il s’agit pour eux de retrouver ainsi le désir de la contemplation. Par paliers successifs de réhabilitation vers la contemplation première, les êtres spirituels passent par des étapes et des mondes graduels d’élévation de leur intelligence. »

Si cela n’évoque pas le principe des cycles de vie ou de réincarnation, je me demande bien de quoi il s’agit. Enfin c’est l’apocatastase finale ou restauration universelle de l’unité première.

« Les intelligences redeviendront égales au Christ, le corps et la matière disparaîtront, l’unité originelle sera restaurée, ce sera le dimanche, le huitième jour, la réintégration de tous dans l’unité originelle. »

Il y a dans l’apocatastase d’Évagre, panthéisme, métempsycose et conception cyclique du cosmos. Dans sa vision, c’est par la connaissance que l’homme réintègre l’Unité Divine. Une fois de plus, j’aime !

Nous allons maintenant pénétrer au cœur même de cet ouvrage et découvrir à la fin son étonnante conclusion.

Prochain article (28) : Voici pourquoi les Juifs sont haïs et persécutés depuis toujours


[1]Mary Boyce, A Reader in Manichaean Middle Persian and Parthian. Téhéran et Liège. Bibliothèque Pahlavi. 1975.

[2] François Decret, Mani et la tradition manichéenne. Seuil. coll. Points Sagesses. 2005.

[3] Henri Charles Puech, Sur le manichéisme : Flammarion. 1979. Et article Manichéisme, Encyclopédie Universalis.

[4] Contra Celcius, VIII, 72.

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Les religions, c’est assez !

Le Christ est le chef de tout homme et l’homme est le chef de la femme ! Voilà une affirmation connue pour être celle de Saint-Paul dans un texte sacré extrait du Nouveau Testament. Quand même ! À ne pas citer lors d’un mariage ! Mais bien au-delà, les prétentions religieuses sont intolérables et n’ont rien de divin ou de céleste et pourtant on les subit depuis plusieurs milliers d’années.

Les religions, sans aucune exception, n’ont aucun fondement réel, pas plus que contes, légendes et mythes. Pas plus Thor, Hercule, Osiris, Jésus, que Moïse ou Abraham, n’ont existé sur le plan historique et l’historicité des récits musulmans est douteuse.

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Disponible en librairies, en bibliothèques ou peut être commandé chez l’éditeur ou Amazon.



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4 réponses

  1. Apocatastase! Je n’ai pas trouvé ce mot dans mon dictionnaire mais je suis bien contente de le connaître, merci!

    Aimé par 1 personne

  2. Oh la la ! J’ai apprécié lire ce texte. Merci.
    Je crois à un Dieu. Je crois que ce Dieu et une énergie créatrice sans commencement ni fin dont je suis le fruit. Je crois que cette énergie ne peut pas détruire sa création et que celle-ci à plusieurs visages. Je crois que je suis sur Terre pour apprendre à être en harmonie avec qui je suis fondamentalement. Quand je mourrai, ce sera autre chose!
    Apocatastase : PHILOSOPHIE – Chez les philosophes grecs, déterminisme de la nature.

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  3. Cette étude deviendra t-elle un livre? Passionnant.

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