L’Affaire Léo-Paul Dion (article 3)

Crédit pour le montage graphique : Éric Dorion

Avec mes maudites mains, j’ai créé quatre petits saints ! Léo-Paul Dion. Le monstre que nous avons créé. 1965 Manuscrit de sa main non publié (Droits acquis Me Guy Bertrand).

Ne jamais oublier qui furent ces enfants : Guy Luckenuck, 12 ans, Michel Morel, 10 ans, Alain Carrier 8 ans et Pierre Marquis, 13 ans.

Si nous voulons trouver les racines du Mal absolu, il faudra déterminer si nous en sommes les créateurs ou si le Mal est issu d’un Plan Divin ou Diabolique. Présentement, avec ces quelques articles qui couvrent cette triste affaire, je veux démontrer qu’en tant que membres d’une société, nous avons partiellement été à l’origine de l’émergence du monstre qu’est devenu Léo-Paul Dion. Ses crimes expriment une réalité dont nous faisons partie, tout aussi terriblement déplaisante soit cette réalité, alors si nous voulons prendre la démesure de gestes non pas seulement criminels, mais odieux, cruels et insensés, il est essentiel d’au moins en prendre connaissance de manière adéquate, en toute retenue cela dit, en sachant jusqu’où peut aller un être dominé par ses seuls instincts.

Il semble bien qu’un être humain ravagé par la haine, le désir ou toute autre forme de passion extrême puisse aller si loin dans sa dépravation qu’il devient même très difficile de l’imaginer, voire de supporter l’exercice.

Bien que vous et moi ne faisons pas partie des gens de La Loi et L’Ordre, c’est quand même notre responsabilité d’être ainsi exposés, en partie, à l’horreur, car je le répète, nous avons collectivement pris des décisions, ou n’en avons justement pas pris et nous avons encouragé ou ignoré des comportements qui, en s’additionnant, ont favorisé l’émergence et la croissance de monstres au sein de notre communauté. Blâmer la télévision, le cinéma ou les jeux vidéo est une fuite en avant beaucoup trop facile.

La science est loin d’avoir prouvé l’existence d’un gène du meurtre ou des conditions génétiques comme a essayé de le faire en Italie, Abdelmayek Bayout, pour réduire sa peine, après avoir poignardé sa victime en 2007. (L’Actualité, 30 décembre 2009. Dominique Forget.)

Ce monstre n’est pas venu d’une autre planète.

Léo-Paul Dion n’est pas venu au monde ainsi, il n’a pas été conçu en laboratoire et surtout il ne s’est pas fabriqué lui-même, par choix. Aucun enfant ne se promet une série de tueries comme projet de vie. Dans ce cas bien précis, nous sommes les co-créateurs de la bête qu’est devenu Léo-Paul Dion. S’il est le Mal à vos yeux, alors très bien, mais dans ce cas, cela signifie que vous et moi en sommes ses géniteurs et en déduire et accepter que nous avons créé le Mal sans aucune hésitation !

Je vous encourage à contempler un des aspects les plus positifs qui ressortira de la lecture de ce segment sur Dion. Vous serez alors en mesure d’apprécier l’immense décalage qui existe entre vous-mêmes, par votre réaction émotionnelle et la nonchalance et l’indifférence que démontre l’auteur de ces meurtres face à ces gestes. Vous constaterez alors que c’est pire encore que de l’imaginer hurlant comme un possédé avec un rire démoniaque de films de vampires.

Chaos devant la Petite Bastille

À Québec, le 27 mai 1964, tard dans l’après-midi, je suis avec un de mes amis et sommes tous deux vachement impressionnés et paralysés de surprise par les coups de feu et les sirènes de police, puis par tous ces autres policiers qui surgissent à une vingtaine de mètres devant nous sur Georges VI. À ce moment-là, sur ma bicyclette, je me tiens devant le monument Wolfe sur les Plaines d’Abraham. Nous sommes pétrifiés et je vois bien un homme, en blanc ou en gris je crois, immense, entourés d’hommes en uniforme et c’est alors qu’ils nous ordonnent de partir avec de grands gestes sans équivoque, ce que nous ferons illico. C’est plus tard que je saurai que Léo-Paul Dion venait de poignarder le gouverneur de la Prison des Plaines comme nous l’appelions et l’avait pris en otage pour s’évader. Mon copain et moi venions d’assister à sa capture !

Guy, Michel, Alain et Pierre

Comme tous les jeunes de mon âge, je savais très bien qui était cet homme qui avait tué en avril, froidement, après les avoir sexuellement agressés, Guy Luckenuck, 12 ans, Michel Morel, 10 ans, Alain Carrier, 8 ans et en mai, Pierre Marquis, 13 ans. Tant à l’école qu’à la maison, cela n’avait été qu’avertissements de très grande prudence après la découverte des corps. Un climat d’hystérie s’était emparé de la ville.

Mon père avait même dit un jour à table, que si ce tueur devait se présenter dans la cour et s’essayer sur un des enfants de la paroisse, qu’il l’abattrait avec son 12, ce qui a fait dire à ma mère de cesser de dire des choses du genre devant les enfants.

Me Guy Bertrand

En 1998, je suis animateur d’une émission d’affaires publiques, intitulée Face à Face à la radio de CHRC. Mon coanimateur est Guy Bertrand. C’est lors de nos rencontres de post production de ladite émission que j’ai appris, à ma grande surprise, qu’il avait été l’avocat de Léo-Paul Dion. Et vingt ans plus tard, je découvre qu’il le confie à ses lecteurs dans le premier tome de son autobiographie, publiée en 2018.

De sa main maudite…

Guy a côtoyé de très près le mal comme criminaliste. Informé en 2019 de mon travail d’écriture en cours sur Le Mal, il m’invite alors à son bureau de la Grande Allée à Québec pour me donner accès à du matériel de premier ordre pour la complétude de ma recherche. Il s’agit des notes du procès, soit le verbatim entier du procès et des analyses du dossier de Léo-Paul Dion par le psychiatre Camille Laurin, mais aussi un document rédigé par Dion lui-même, lequel me permettra de percer à jour la bête ou le Mal en l’homme. J’allais donc me plonger en apnée dans une eau boueuse, puisque Léo-Paul Dion y décrit de manière placide les gestes qu’il a posés.

J’ai fait de nombreux retraits

Dans un premier jet pour cet ouvrage, j’avais retranscrit ces derniers en détail, sans aucun filtre, afin d’exposer la Bête, mais après discussion avec ma femme Hélène, il a été décidé de n’en rien faire afin, d’une part, de respecter la mémoire des disparus, mais également la peine immense des proches. Ce que vous allez lire est donc la version expurgée de descriptions qui de toute manière n’ont aucune pertinence pour l’exercice de démontrer la nature de mon intention. Mais aussi, argument de poids de ma femme : « Pas question de faire un spectacle pour d’autres dégoutants qui prendraient plaisir à lire ces horreurs. »

Je remercie Guy puisque cette source d’informations que j’ai pu étudier à loisir, incluant les propos du psychiatre Laurin, s’est révélée précieuse pour mes recherches.

L’avocat Me Guy Bertrand et Jean Casault

Pour l’avocat Bertrand, Dion ne mérite pas la mort.

Déjà lors de nos rencontres, Guy m’avait confié en discussion dans son bureau s’être battu pour épargner la peine de mort à son client, ne croyant pas en « la capacité malsaine d’un homme de prendre jouissance d’un acte aussi terrible et immonde et d’en mesurer l’horreur lorsqu’il est dans le moment présent de son crime. » Ayant presque toujours été contre la peine de mort, j’ai partagé cette position car il existe différentes personnalités en nous, non pas dans le sens pathologique du trouble dissociatif de l’identité appelé le syndrome des personnalités multiples, mais tout simplement parce que nous avons vécu de nombreuses étapes progressives ou régressives, tout un chacun, et qui nous ont marqué, définissant des traits de notre personnalité, créant presque un personnage. Ma personnalité actuelle est le fruit de toutes celles qui furent les miennes de mon enfance à ce jour. Elles furent très nombreuses et diversifiées, ma vie ayant contribué à cela bien évidemment. Il me serait difficile de dire qu’un seul élément ait dominé toute ma vie sans arrêt.

Mais Léo-Paul Dion a vécu l’entièreté de son existence à être dominée par une série constante et ininterrompue de déviations sexuelles, à un âge ne le rendant responsable de rien de tout cela, des décennies durant. Les marques incrustées sont alors profondes et permanentes ce qui n’a plus rien à voir avec le fait de vivre un ou deux petits incidents traumatisants, mais sans suite. Dans un tel cas de figure, l’enfant Dion de cinq à huit ans, puis à sa puberté, durant son adolescence, ses premières années d’adulte et au-delà jusqu’à la quarantaine, est marqué à vie consciemment et inconsciemment, et si en plus les milieux dans lesquels s’écoule cette existence deviennent de plus en plus intrusifs, plus l’impact est alors conséquent. Dion, nous le verrons, a subi l’extrême en ce domaine. Mais attention, avant même que cette pensée n’effleure le lecteur, qu’il soit très clair qu’il ne s’agit ici nullement de justifier ses actes criminels, mais d’en comprendre les mécanismes qui les ont rendus possibles! Il vous faudra effectuer cette nuance capitale avant de poursuivre.

Des traumatismes sexuels importants, lorsque subis dans l’enfance de par leur quantité, leur répétition et leur intensité, vont créer un personnage torturé très bien défini et si le temps faisant son œuvre abandonne ce personnage le laissant mariner dans le cloaque de son passé, il y reste, toujours, comme en hibernation. Il est alors prisonnier dans une grotte de son esprit et personne ne sait quel élément déclencheur peut soudainement le ramener à l’extérieur pour devenir un personnage capable d’horreurs et ainsi, créer un monstre tel Grendel, le monstre combattu par Beowulf dans la mythologie germanique.

Mais pour Dion, ces mêmes traumatismes se sont répétés sans arrêt depuis l’enfance jusqu’à très tard dans la vie adulte. L’humain, redevenu animal, commence alors à devenir cela, un monstre ! Guy me confie alors en rencontre :

« Léo-Paul Dion ne savait pas à quel point son geste était horrible, pas au moment où cela se passait. C’est sûr qu’il anticipait ce moment et par la suite en effaçait les traces, car cet homme avait un quotient intellectuel de 140, donc très élevé, mais tout comme le docteur Laurin l’explique dans les documents que tu vas lire, l’intelligence et la morale situées tout en haut d’une pyramide imaginaire avec tout en bas, les instincts les plus primaires, ce modèle standard, s’est inversé chez lui. L’intelligence effaçant toute trace de moralité, tombait alors au service de l’instinct animal. »

Il s’est inversé, mais ce n’est pas Dion qui l’a inversé. Il a subi et non causé. Pourquoi ? Parce que durant toute sa vie, ou ses vies, les personnages qu’il a joués l’ont été dans un univers de sexualité récurrente, anormale, débridée et parfois extrêmement violente.

Vous serez épargné comme déjà dit, vous ne lirez pas ce que j’ai lu et vous ne perdez rien au change, croyez-moi. C’est insoutenable, violent, accablant, scabreux et effectivement impubliable ! Cela crée des images dont j’aurais pu me passer.

Le récit débute par cette phrase qui en dit long, mais pas assez : « De mes deux maudites mains, j’ai fait quatre petits saints. » Il a rédigé son texte avec l’une de ses mains, sans une seule faute d’orthographe et d’une écriture parfaitement lisible. Léo-Paul Dion n’est pas un débile mental irresponsable qui ne fait pas la différence entre un téléphone et une cafetière. Il n’a aucune base académique, mais il est très intelligent, manipulateur, imaginatif et plein de ressources. Je me dis alors que je vais devoir me méfier, car en rédigeant ce livre il a certes voulu rentrer dans la tête des gens pour y déposer les germes d’une pensée déviante et favorable à son endroit. Je suis sur mes gardes.

Il est né le 25 février 1920 à Québec et mourra à 53 ans, tué par un codétenu, le 17 novembre 1972. Pour le moment, allons à la rencontre d’un enfant, tout à fait innocent, comme tous les enfants, nous dirait Jean-Jacques Rousseau, mais dont l’avenir est sombre, voire monstrueux.

Avant de faire subir, Dion a subi. La gradation de son vécu devient rapidement insupportable dans ce piège infernal tendu là, sous ses pieds, et que l’enfant Dion, déjà âgé de cinq ans n’aura d’autres choix que d’y succomber et d’en venir à supplanter un jour toute humanité en lui.

L’homme qui écrit ces lignes est un animal qui n’a plus rien d’un être humain, sauf qu’il l’ignore! J’appréhende la suite, je ne suis pas à l’aise enfermé dans ce bureau avec le fantôme d’un tueur d’enfants.

Les pires passages ne sont pas que descriptifs !

Les pires passages rédigés par Dion sont les descriptions de violence sexuelle à s’en arracher les yeux évidemment et que je vous épargnerai, mais ce qui effraie le plus est l’écriture nonchalante du tueur, sa manière d’évaluer les situations qu’on capte en lecture. Léo-Paul Dion en vient, à la toute fin de son récit, à vraiment croire que les enfants s’amusaient avec lui, qu’ils aimaient cela, et les termes utilisés sont plus que figuratifs. Il y croit et c’est ce qui est le plus immonde et révulse le plus ! Je dois me constituer une carapace même si sa présumée douleur, ses présumés regrets, son agonie sont pourtant bien là sous mes yeux, lorsqu’il reconnaît « avoir dû les tuer ». Il dit regretter la mort de ces enfants, mais son cri du cœur « De mes deux maudites mains, j’ai fait quatre petits saints » ne m’a aucunement atteint, car le décalage entre les deux est là, lourd comme une des pierres qu’il a utilisées pour briser le crâne du plus petit.

Le lire me rappelle ces images de documentaires naturalistes quand on voit un immense requin blanc lancer un bébé phoque dans les airs à deux ou trois reprises, croyant peut-être qu’il a du plaisir lui aussi et lorsqu’il en finit d’une seule frappe mortelle, le squale s’enfonce sous l’eau dans une sinistre et magistrale indifférence. Léo-Paul Dion aurait fait un remarquable requin blanc !

En lisant un certain passage qui s’étend à lui seul sur deux longues pages, j’ai frémi, car il pense que je veux suivre avec minutie les détails scabreux qui défilent, comme si c’était important pour moi de savoir quelle position était la sienne, penché vers l’avant ou arqué vers l’arrière et quelle position était celle de l’enfant, pour maintenir l’équilibre et la position, et pour lui, c’est important de le dire, de le raconter. Comme un romancier habile, il veut que je puisse visualiser chaque détail, suivre l’action comme on le fait pour une scène d’action au cinéma ou une partie de hockey ! C’est très déstabilisant, d’autant plus qu’il a une plume forte.

J’ai détesté plus que tout cette fabuleuse arrogance de penser qu’on puisse aimer lire les détails de ses crimes et y prendre un plaisir complice. Du genre « je vais détailler ce que j’ai fait, ils vont aimer ça. » On comprend le romancier Stephen King de le faire, c’est un maître du roman d’horreur. On comprend Ridley Scott de le faire dans ses films. La fiction a des droits de licence poétique. Mais ça ?

Prochain article (4) : L’enfance d’un monstre à venir

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L’ère nouvelle

Jean Casault croit sincèrement que nous sommes en plein développement vers une nouvelle ère. Il sait que cela ne se fera pas sans heurts et assez curieusement la crise internationale de la COVID-19 lui donne peut-être raison, comme si nous étions confinés dans un cocon avant de déployer nos ailes. Ce livre recèle également de fabuleux exemples de Vols de nuit, ces rêves… qui n’en sont pas.

Disponible en librairies, en bibliothèques ou peut être commandé chez l’éditeur ou Amazon.



Catégories :Le Mal

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7 réponses

  1. Ce qui me désole quand j’entends une histoire de meurtre aux nouvelles, c’est que personne ne s’intéresse au pourquoi cela a été fait et au comment cela s’est rendu jusque là. Pourtant, si en tant que société dites civilisée on s’intéresserait à la cause, on pourrait alors éviter d’autres tueries. Pas toutes certe, mais un bon nombre.

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  2. Dans les faits, PERSONNE ne s’y intéresse. On veut qu’il soit capturé, tué ou emprisonné et la s’arrête le questionnement autant de la société que de la Justice.

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  3. Je suis d’accord, à sa naissance, Léopold Dion était un beau bébé rose. Mais quand cela s’est-il gâché et que le monstre s’est-il réveillé en lui? Je dirais vers l’âge de 6, 7 ou 8 ans.
    Il a possiblement découvert qu’en faisant souffrir de petits animaux, il éprouvait une certaine jouissance.
    Léopold Dion a été possédé par le MAL et il est devenu le MAL. Obnubilé par la souffrance, il en est venu à tuer 4 enfants.
    Il était possédé par le MAL et aucun exorciste ne pouvait le guérir excepté la mort.
    Que son Esprit tourmenté repose en paix.

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  4. Je me souviens de Dion. À l’époque, je le trouvais démoniaque. J’étais jeune, influençable et j’en ai fait des cauchemars. C’est vrai que sa mère souffrait d’un grand mal à l’âme. Je sais qu’il a vécu des choses épouvantables et je dirais même atroces. La pomme tombe près du pommier comme disait mon grand-père. Mais, dans la normalité de la vie, nous ne naissons pas pour faire souffrir et tuer nos semblables.

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  5. Je suis vos articles sur le MAL, M. Casault. C’est aussi grandement délicat de votre part de passer les détails horribles. Ce qui me permet de parcourir vos textes jusqu’au bout.

    Très jeune, d’ailleurs, je me demandais déjà…mais pourquoi il existe autant de MAL sur la terre ? Les réponses venaient ici et là avec le temps et au fil des expériences. Jusqu’à ce qu’un rêve de l’année 2013 – un enquêteur ou le criminel sur les lieux d’un crime m’en fournisse une réponse, plutôt originale. Et pour la résumer, ce n’était possiblement pas seulement la personne qui commet le MAL qui est la seule là-dedans ?

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