L’étonnante conclusion

Crédit pour le montage graphique : Éric Dorion

Je sais maintenant qu’à l’origine, le chaos fut illuminé d’un immense éclat de rire. René Daumal

Aucune force prétendument diabolique semant le Chaos ne peut venir à bout de la volonté d’un homme d’Ordre qui, du fond de son cœur et avec la force de son pied frappant le sol, lui dit NON. Voilà pourquoi ce n’est ni au Diable, ni à Dieu d’évaluer ce que nous sommes et qui nous sommes, mais à Nous, en tant qu’Esprits incarnés. Voilà pourquoi, Foi de côté, raison oblige, je vous invite à suivre une piste à peine visible dans la jungle des idées, car elle va conduire le chercheur acharné à découvrir un trésor, un piège mortel ou absolument rien d’autre qu’une jungle qui s’éternise. Mais une telle piste a le mérite de ne pas être un sentier battu par des milliers d’autres qui aboutit au su, au connu et dès lors sans avenue nouvelle. C’est aussi cette expression qui traduit la pensée latérale et qu’en anglais se dit to think out of the box que je préconise avec ardeur. C’est l’inévitable manière d’aborder les choses lorsqu’elles appartiennent à un autre monde.

Dans ce cas présent, c’est un lointain, très lointain souvenir qui a refait surface alors que d’aucune façon je n’étais occupé à travailler. Ce jour-là de 2019, alors que je suis en train de regarder une série télévisée assez captivante, je suis alors dérangé par une alerte familière. Des tas d’idées défilent dans ma tête, le cœur bat plus vite et l’intensité croît à mesure que je ne réagis pas, au point que je ne peux plus rien faire d’autre, incluant ne rien faire. Bref, je n’ai d’autre choix que de fermer le téléviseur et de m’installer au clavier. J’en étais à ce moment au débroussaillage et au sarclage des idées pour le livre que vous tenez entre les mains. C’est à la suite de l’alerte reçue que j’ai clairement entendu dans ma tête une très courte phrase qui sonnait à peu près comme ceci : « Très peu d’êtres humains sont seulement en mesure de commettre le Mal »,et ce deux ou trois fois pour que je ne l’oblitère pas. C’était un écho du passé. J’avais déjà lu ou entendu cela, mais il y a longtemps, très longtemps.

Je connais l’exercice. Comme dit, je ferme le téléviseur et me dirige vers mon bureau parce que cette phrase,« Très peu d’êtres humains sont seulement en mesure de commettre le Mal », va s’actualiser sous peu et je dois être prêt, parce que je sais fort bien que cela va rapidement devenir plus clair. En m’assoyant devant mon clavier, comme l’astronaute peut le faire dans sa fusée, c’est soudainement l’image très claire de mes jeunes mains d’à peine 17 ans de vie qui tient un livre que je reconnais aussitôt avec sa couverture semblable à notre ancienne carte d’assurance-maladie, la version livre de poche Le Matin des Magiciens. Oui, c’est ça, me dis-je. C’est dans ce bouquin que j’ai lu ça, pas ailleurs.

Un grand merci à Pauwels et Bergier

En 1967, je suis tombé sur cette bible du Réalisme Fantastique qu’est Le Matin des Magiciens de Louis Pauwels et Jacques Bergier (Gallimard. 1960). J’allais dire, à l’époque, mais je crois que même encore à ce jour cet ouvrage ne souffre aucune comparaison avec tout autre. Des centaines et des centaines de pages traitant de mille et un sujets divergents des courants naturels de la science, de la religion, voire de l’histoire se lisent posément.

Cinquante-deux ans plus tard, je n’ai aucune inquiétude, ils vont me rendre la tâche aisée de retrouver le précieux texte et c’est le cas. En moins de dix secondes, je tombe dessus. Voici la perle ! Il s’agit d’un texte importé par les auteurs et qui est celui d’un écrivain du nom de Arthur Machen.

Cet écrivain britannique né en 1863 et mort en 1947 a publié de nombreux romans d’horreur. Un peu à la manière de Tolkien dans le rendu, mais avec des intonations de Maxime Chatham, voire de Stephen King. L’un de ces livres s’intitule The White People et fut publié en 1904. On dit de cet ouvrage que c’est l’un des meilleurs romans d’horreur jamais rédigés. Je lis sur un échange entre deux personnages de ce roman débattant sur le sens du Mal et c’est alors qu’en parcourant ces pages je revis instantanément, comme si c’était hier, l’émotion d’un ancien instant présent.

Un chemin de boue

L’un des personnages du livre The White People s’appelle Ambrose. Il cherche à faire comprendre à son interlocuteur que l’homme ordinaire, charnel et sensuel ne sera jamais un saint homme pas plus qu’un grand pêcheur. Il dit :

« Nous suivons notre chemin de boue quotidienne sans comprendre la signification des choses et c’est pourquoi le bien et le mal en nous sont identiques : d’occasion et sans importance. (…) Les plus hauts d’entre les saints n’ont jamais commis une bonne action au sens courant du terme et il existe des hommes qui sont descendus au fond des abîmes du mal et qui toute leur vie n’ont jamais commis ce que vous appelez une mauvaise action. Ceux-là, tout comme de très grands connaisseurs de vin, ne boiront jamais la piquette des bistrots. »

Ambrose poursuit alors que son interlocuteur semble sceptique comme je l’étais à l’époque.

« Votre réaction tient à ce que vous n’avez pas la moindre idée de ce que peut être le véritable péché. Oh bien sûr, il y a un rapport entre le Péché et les autres péchés comme le meurtre, le vol, en fait, le même rapport qui existe entre l’alphabet a, b, c, d et une œuvre littéraire de génie. »

J’ai un souvenir vivace de ma première lecture de ce texte, de mon étonnement, de la sagacité du propos, et des décennies plus tard, je la revis avec le confort de l’expérience d’un vécu que je n’avais pas à 17 ans. Il y a une vérité abyssale dans ce propos, particulièrement lorsqu’il insiste, ce qui fait jaillir à la lumière le point crucial de toute ma démarche, à savoir qu’il existe une très grande différence entre commettre le mal et incarner le Mal.

« Nous pensons tous qu’un homme qui nous fait du mal à nous ou à nos voisins est un homme mauvais. Et il l’est du point de vue social[1] mais dans son essence, le Mal est une chose solitaire, une passion de l’Âme. L’assassin en tant qu’assassin n’est pas un véritable pécheur, c’est une bête dangereuse dont nous devons nous débarrasser pour sauver notre peau. »

En relisant cette phrase, je me suis souvenu de ma réaction alors que dans mes réflexions spirituelles de l’époque, je m’étais laissé convaincre que leur mise à mort devait être une réponse adéquate. Comme l’actualité regorgeait de noms qui donnent le frisson, j’étais aidé à le penser et j’aurais pu y ajouter les récents noms : Clifford Boden, William Fyfe, Allan Legere, Clifford Olson Jr, Robert Pickton, sans oublier Paul Bernardo, Karla Homolka, Serge Archambault, Gilles Pimparé et Normand Guérin, mais aussi de mon temps, Léopold Dion comme nous l’avons vu.

Ambrose précise sa pensée en affirmant que des tueurs de ce genre commettent ces horreurs, car stimulés par des motifs négatifs, c’est-à-dire qui souffrent d’un manque profond en eux, une absence de, comme une cavité concave à remplir. Psychiatres et psychologues ne tarderont pas à couvrir ce terrain, en défense notamment, parlant de graves déficiences dans l’enfance, de perte de dignité, nous avons déjà tout vu cela avec le docteur Laurin dans l’Affaire Dion.

Mais le vrai Mal, dit Ambrose, s’exprime pour des raisons positives dans l’esprit de celui qui le commet, positives dans le mauvais sens, néanmoins positives, ou convexes pour apporter quelque chose, donner quelque chose. Je n’hésite pas à comparer cela à ces tyrans qui ont fait tuer des millions de gens pour sauver leur nation, ce qui n’est pas loin de nous rappeler ces noms familiers dont les trois H de la mort, Mao et son épouse, Staline, Pol Pot, la famille de Kim Il Sung, etc.

Alors Ambrose explique ce qu’est vraiment le Mal et qui n’a rien à voir avec des besoins ataviques provenant d’une rage ancestrale, d’une primitivité animale, d’une maladie, d’un problème de structure dans l’appareil nerveux ou autre ou même d’une excellente cause de nature territoriale. Le passage suivant m’a bouleversé : « Le Mal c’est vouloir prendre le Ciel d’assaut. Et ils sont rares ceux qui le veulent et agissent pour y parvenir parce que le Mal est profondément contre nature chez l’homme. C’est la recherche d’une extase qui n’a jamais existé et c’est ce qui rend la démarche horrible ! » S’il existe des êtres capables de cela, il y a tout lieu de s’en accabler !

J’ai compris par l’émotion ce qu’était le Mal et c’est alors qu’une nouvelle alerte survint. J’ai retrouvé dans mes notes un extrait de chapitre d’un de mes manuscrits, un roman noir rédigé dans les années 80, mais qui ne vit jamais le jour. Je sus que déjà, j’avais appréhendé cette vision d’Ambrose !

« Les bonnes gens qui font de bonnes choses et mènent tranquillement leur petite barque sur les flots d’un long fleuve tranquille ne sont pas saints pour autant, tout comme ces mécréants voleurs, violeurs, tueurs et tyrans qui mènent leur petite barque malsaine sur les flots plus tempétueux du même fleuve ne sont pas des incarnations du Mal pour autant, ce ne sont que des bêtes malveillantes et malheureuses ! Mais quand j’entrai dans la ville maudite, je ressentis non pas une absence d’amour, de bien, de chaleur ou de tendresse, mais je vis des cadavres piétinés par une force, une énergie bien réelle, autonome et volitive : celle en laquelle je ne croyais pas et qui proclame haut et fort d’une voix terrifiante : Je suis le Mal Absolu, Je ne fuis pas la Lumière, Je la détruis! »

Synchronicité oblige, voilà Littell qui se pointe de nouveau

Fort de ces souvenirs ramenés à ma mémoire, bouleversé comme souvent je le suis lorsqu’une telle clarté se répand sur mon chemin, voilà qu’on m’envoie une autre image qui s’impose de force avec un mot bizarre, mais qui en quelques secondes me ramène à mes rayons de livres, plus précisément au livre déjà cité, Les Bienveillantes de Jonathan Littell. Je sais que j’ai marqué au feutre le passage qui m’a tant bouleversé, il y deux ou trois ans de cela. Je le retrouve. Il est aussi terrifiant que magnifique. J’ai déjà expliqué que le personnage de Littell est un membre des forces d’action répressive tant redoutées et déjà nommées, les einsatzgruppen. Un mot à googler pour mesurer la magnitude de l’horreur. Le personnage, l’officier SS Maximilien Aue, vient de participer à l’exécution de plusieurs milliers de juifs ukrainiens alors que l’offensive de l’Opération Barbarossa se poursuit et qu’il faut éviter de laisser cette pourriture juive à l’arrière du front de crainte qu’elle ne s’en prenne aux troupes.[2] Il écrit :

« Si les terribles massacres de l’Est prouvent une chose, c’est bien paradoxalement l’inaltérable solidarité de l’humanité. Si brutalisés et accoutumés fussent-ils, aucun de nos hommes de l’einsatzgruppen ne pouvait tuer une femme juive sans songer à sa femme, sa sœur ou sa mère, ne pouvait tuer un enfant juif sans voir ses propres enfants devant lui dans la fosse. »

Cette fosse dont il parle a existé dans la réalité, elle mesure plus d’un kilomètre de long. Les futures victimes gravissaient un talus, nues, et comprenaient en parvenant au sommet qu’ils allaient rejoindre les milliers de corps qui s’y trouvaient déjà.

« Leurs réactions, leur violence, leur alcoolisme, les dépressions nerveuses, les suicides, ma propre tristesse, tout cela démontrait que l’autre existe, existe en tant qu’autre en tant qu’humain, et qu’aucune volonté, aucune idéologie, aucune quantité de bêtise et d’alcool, ne peut rompre ce lien, ténu mais indestructible. Cela est un fait et non une opinion. »

Par la suite, il rappelle l’histoire à l’effet que même les plus féroces parmi les plus féroces commençaient à montrer de tels signes d’épuisement moral et psychique, qu’il fallait absolument trouver d’autres méthodes, dont les drogues, afin de créer une distance plus grande entre le supplicié et son bourreau. Vinrent les gaz d’échappement déroutés vers l’intérieur des camions, puis les douches, suivis des fours. Même les nazis les plus féroces atteignaient un point ou prendre le Ciel d’assaut ne voulait rien dire !

Le Mal existe pour être combattu, mais comment ?

Le mal ordinaire existe, il se présente le plus souvent sous la forme d’une animalité primitive exacerbée par des conditions d’existence qui en ont favorisé l’émergence, soit depuis toujours ou suite à un évènement ou une série d’évènements majeurs qui ont profondément fait régresser le niveau de conscience spirituelle d’un individu ou l’ont empêcher d’émerger s’il est très jeune. Dans certains cas, la Justice doit alors déterminer le niveau de responsabilité en partant du principe que le mal qui a été causé le fut par une personne qui savait très bien ce qu’elle faisait ou l’ignorait faute d’avoir un niveau de conscience suffisamment élevé pour ce faire. Malades ou pas, criminellement responsables ou pas, des mesures extrêmement rigoureuses doivent être prises pour que la société soit protégée contre ces gens. Ils font le mal… mais ils ne sont pas le Mal. Ils sont comme un virus, sans aucune intention, profonde et voulue, de tuer, mais qui tuent quand même. Il faut les éradiquer.

Mon incursion à l’intérieur du mental ténébreux de Léopold Dion m’aura permis de mesurer la magnitude de cette réalité : par notre indifférence, notre indolence, notre ignorance, notre incompétence collective, la société, l’humanité a causé du mal. Mais elle n’est pas le Mal.

Nous avons exploré toutes les pistes menant à l’idée qu’une Entité extrêmement puissante puisse être à l’origine du Mal. Nous avons parlé du Diable et par une licence littéraire éprouvée nous l’avons laissé s’exprimer. Le problème qui s’est posé est le caractère inconnaissable du Personnage, tout comme pour Dieu, les Anges, les démons et autres créatures ou entités invisibles faisant partie des multiples panthéons existants sur cette planète et qui sont inconnaissables, puisqu’inaccessibles. La plus grande qualité de ce qui est invisible et inatteignable, c’est d’être invisible et inatteignable aux sens, alors continuons de rêver ou de cauchemarder, c’est un moyen comme un autre. L’autre difficulté est venue dès que la question de l’anthropomorphisme est soulevée, c’est-à-dire cette tendance d’humaniser tout, par une sorte de paréidolie autre que graphique et dès lors, le Diable devient non plus une force, une énergie, mais une Personne et dans certaines croyances, une Personne à ce point active qu’elle dirige des légions de démons tentateurs qui viennent nous empoisonner la vie. J’ai commis cet acte d’anthropomorphisme au chapitre précédent.

Personne ne sait si le Diable existe, mais ce que nous savons c’est que tous les mythes fondateurs, de toutes les ethnies existantes sur cette planète, sans aucune exception, de la plus singulière ou isolée sur une île quelconque à la plus vaste comme la Chine ou l’Inde, entretiennent le concept d’une lutte féroce entre le Bien et le Mal, mais aussi le Mal et le Bien et le plus souvent entre des entités personnalisées comme Lucifer, l’Archange Michel, Kali, Vishnu, Loki, Apophis et non pas seulement une lutte théorique.

L’exercice suivant fut de lire le Diable lui-même, nous exposer sans aucune humilité à tout ce qu’il a pu inventer pour nous faire trébucher et faire la démonstration au reste de l’univers, mais surtout à la Divine Mère, que nous ne sommes que de la fiente et que l’idée de forcer ou d’obliger des Esprits purs à s’incarner dans ces sacs à germes que nous sommes était et est encore une très mauvaise idée.

À tort ou à raison, il a su démontrer que nous sommes effectivement très faciles à faire trébucher, très faciles à séduire, très faciles à corrompre. Et si nous ne valons pas plus qu’un clou rouillé dans une planche pourrie, c’est que pour nous, Esprit, vaincre l’animalité qui nous colle aux ailes comme la purulence colle à la peau dans un bourbier fangeux n’est pas si aisée qu’il le pense, cet Abruti à la face vultueuse corrompue par la haine qui ne se trompe jamais, mais que si nous sommes si faciles et si vulnérables, c’est que nous sommes ainsi faits et que c’était voulu ! Par la Divine Elle-même. Ça, dupeur comme il l’est, il l’a occulté !

Nous sommes des machines à déconner vingt-cinq fois par jour. Nous faisons du mal, oui bien sûr, parce que nous sommes truffés de défauts, de faiblesses, de pièces mal embouchées et de ratages multiples de structures, tous innés et transmis d’une génération à l’autre et par la suite très acquis. Mais, Nous sommes ainsi aimés, comme Nous sommes.

C’est alors que je pense avoir mis le doigt sur une très grosse histoire ! Le Peuple élu ! Ma lecture du Code d’Esther fut un tournant majeur. Même si les preuves n’en sont pas, il y a trop de coïncidences dans cette prophétie pour que ce ne soit que du baratin de Juifs exaltés par une pseudo-vérité. Il y a autre chose et c’est lié au facteur temporel, à l’intensité des aversions, des gestes hostiles et des massacres, mais surtout à la fureur absolument cataclysmique qui s’est déchaînée chez les nazis contre les Juifs. Elle n’est pas normale. Something doesn’t add up, vous vous souvenez ? C’est alors que j’ai compris et proposé que le peuple Juif fut choisi, élu, destiné à devenir le baromètre de la haine sur cette planète et que les nazis nous ont démontré qu’ils en étaient les Saigneurs ! Les Saigneurs de la haine et du Mal. Les Juifs sont le Peuple de Job marqué par le Destin et les Saigneurs germaniques ont voulu prendre le Ciel d’assaut. Pas un autre peuple n’a autant été détesté, méprisé et surtout persécuté à mort sur une période de temps aussi longue. Pas un seul ! Mais surtout et absolument rien de solide comme fondation d’historiologie ne permet de justifier cette haine et ses suites abominables. Rien. Ce n’est certes pas leur monothéisme, ce n’est pas le fait qu’ils se soutiennent entre eux ni qu’ils sont habiles à gérer leurs avoirs et s’entraident à ce niveau. Mais alors, qui donc peut créer un tel Destin ? Qui donc peut créer des circonstances aussi infâmes de sorte que la polarisation de la haine et de l’amour absolu se forment, car il a bien fallu les deux, Haine et Amour, pour que la fusion s’effectue, pour que le Mal s’éteigne comme cela brusquement le 8 mai 1945. Qui ou quoi ?

Si vous n’arrivez pas à le dire, je vais le faire pour vous et dans le plus pur déisme délivré de toute contamination religieuse de toutes confessions incluses, Dieu m’en garde. Il n’y a que Dieu, la Divine Mère pour y parvenir, et dans le maintien de l’équilibre essentiel à toute création visible ou invisible, dense ou éminemment subtile, une Force opposée se doit d’exister. Qu’elle soit Lucifer, Iblis ou Ialdabaôth n’a plus maintenant d’importance. Si Dieu existe, alors le Mal devient, par voie de Réaction Divine, une conséquence naturelle de sa Conception du Conçu qu’Il est devenu, sans quoi tout cela ne serait que factice, inopérable et s’autodétruirait. Le Bien puise son éternité dans son combat contre le Mal. Dieu gère le Monde en le Devenant et explore tout, le mal, le Mal, le bien et le Bien sans même sourciller. Dieu n’a pas créé le Monde, Il est devenu le Monde !

On ne peut pas se vautrer dans un angélisme aussi pathétique que pénible, comme si Dieu était à ce point le Bien Absolu que l’idée du Mal ne saurait être de son cru. Gardez cela pour les tout-petits, vous corrigerez en même temps que pour le Père Noël le moment venu.

« Si Dieu existe, d’où vient le mal ? Mais si Dieu n’existe pas, d’où vient le Bien ? »[3] On ne crée pas la Lumière sans que l’ombre ténébreuse finisse par exister. On ne crée pas la chaleur extrême sans que son absence soudaine n’entraine un froid sidéral. Mais quand les Ténèbres et le Froid prennent corps, tels les Géants de Jötunheim qui veulent prendre le Ciel d’assaut, c’est le Ragnarök des Légendes qui se déroule sous nos yeux.

llustration de Net Ease Games

Le Mal faut-il le répéter, c’est vouloir prendre le Ciel d’assaut.

Mais alors, vais-je vous demander, comment combattre le Mal, le Vrai, si tant est que nous puissions le reconnaître. Je serais bien tenté de vous dire de le faire en vous y opposant, mais si la haine et la vengeance sont au cœur de ce combat, alors que la haine est la fille du Mal avec sa jumelle la Peur, nous devenons le Mal et le Mal ne peut combattre le Mal. Alors, avec quelle énergie Le combattre ? Avec quelle force ? Avec quelle arme ? insisterez-vous. Voyons voir…

Combattre le mal par le mal est une très mauvaise idée.

Combattre le mal par le mal implique beaucoup de mal et quand cela se produit, le mal s’insinue dans les cellules de la mémoire, du vécu. On en ressort sale, parfois fiévreux, parfois pestiféré et comme le dit l’auteur de polars britanniques Roger Jon Ellory : « Si tu cherches à te venger, creuse deux tombes, une pour ta victime et l’autre pour toi ». J’aimerais bien vous dire que c’est de la petite morale endimanchée pour nunuches faciles à faire larmoyer, mais ce n’est pas le cas. Je ne suis pas une nunuche ! Combattre le mal par le mal nourrit la tête, le cœur et l’Esprit d’un aliment résolument toxique qui immobilise l’évolution du Bien en soi, neutralise et paralyse tout effort de s’en sortir tant et aussi longtemps que le mal nourrit la terre où coule le sang de la haine et de la vengeance.

Il n’existe qu’une seule et unique manière de mettre un terme au massacre et c’est dans un premier temps d’accepter l’idée que derrière le ou les coups reçus, il y avait un appel très important du destin, du karma, de Dieu, de l’Esprit, qu’importe. Il n’y a qu’une seule façon de lutter contre l’obscurité, c’est d’ouvrir la foutue lumière et il n’y a qu’une façon de lutter contre le froid glacial, c’est de hausser le thermostat !

Tomas Borge Martinez a une longue histoire pas toujours très jolie. Il fut emprisonné et torturé pendant deux ans par le régime Somoza du Nicaragua et libéré. Il a eu ceci comme réponse à tout cela : « Notre vengeance sera le pardon ».

Je n’ai très honnêtement rien d’autre à dire sur ce sujet qui, selon moi, ne laisse aucune place au débat. À ce compte, je préfère une dernière fois nous laisser savourer de la prose si décapante de Littell. Il explique à sa manière le rapport qui existe entre les forts et les faibles au sein duquel la vengeance prend acte parce qu’elle y voit le moment de naitre. Victime de harcèlement, son personnage, le jeune Maximilien, est à l’école et il en souffre énormément. Constatant que l’un de ses professeurs était efféminé et portait un nœud papillon, il se mit à le houspiller comme son propre souffre-douleur.

« Je l’humiliais régulièrement devant la classe jusqu’à ce qu’un jour pris d’une rage folle il me gifla. Bien des années plus tard, ce souvenir me noue de honte, car j’ai depuis longtemps compris que j’en avais usé avec ce pauvre homme comme les brutes épaisses avec moi sans vergogne, pour l’odieux plaisir de démontrer une supériorité illusoire. »

Cerner un comportement n’est pas toujours aisé, particulièrement quand on veut le partager avec une assistance, un auditoire ou comme ici un lectorat. Voilà pourquoi j’apprécie grandement ce qui suit.

« C’est là certainement l’immense avantage sur les faibles de ceux qu’on appelle les forts : les uns comme les autres sont minés par l’angoisse, la peur, le doute, mais ceux-là le savent et en pâtissent, tandis que ceux-ci ne le voient pas et afin d’étayer encore le mur qui les protège de ce vide sans fond, se retournent contre les premiers, dont la fragilité trop visible menace leur fragile assurance. C’est ainsi que les faibles menacent les forts et invitent la violence et le meurtre qui les frappent sans pitié. Et ce n’est que lorsque la violence aveugle et irrésistible frappe à son tour les plus forts que le mur de leur certitude se lézarde. Alors seulement ils s’aperçoivent ce qui les attend et qu’ils sont finis. »

Quand on place ce bout de texte dans le contexte de Littell, on comprend mieux, car il se tient en plein Stalingrad en tant qu’Officier SS, alors que les siens se font massacrer un par un par la défensive russe. Et c’est de ses compatriotes SS, achevés, finis, battus, presque tous morts, dont il parle ainsi. « Vaincre le mal par le mal n’est vraiment pas une bonne idée, n’est-ce pas ? » conclut-il.

Serait-ce donc que le Bien et le Mal ne se cachent pas derrière des noms de nations, de leaders, d’influenceurs ou derrière des sigles comme EI, CIA ou autres, mais en un seul endroit, là où la véritable Intention se loge, sans artifices, sans faux fuyant, sans diversions, sans mensonges, pure comme la plus petite particule qui puisse exister, une Intention qui se manifeste pour toujours, se contemplant dans des reflets d’éternité puisque c’est de là qu’elle vient, et cet endroit est dans le cœur et nulle part ailleurs ? C’est dans le cœur que se cache la véritable Intention de tout homme, toute femme, parfois même à son insu. C’est là où se trouve l’Intention du Bien ou l’Intention du Mal, qu’importe les gestes posés, les mots, les mots écrits, les mots dits, les mots pensés. L’Intention brille tout au fond du cœur et domine tout le reste sans aucune exception pour chacun et chacune d’entre nous vivant sur cette planète.

Dès les premières lignes de cet ouvrage, j’ai écrit ceci : « On dit souvent que les ténèbres sont l’absence de lumière et que celui qui vit dans le Mal vit dans l’absence du Bien et le fuit comme d’autres fuient la lumière. Ainsi donc le Mal incarné, le Vrai Mal est celui qui ne fuit pas la Lumière, mais veut la détruire. » Elle existe cette Intention quelque part dans nos Univers. Est-ce une Entité, une Force, un pestilentiel Agrégat de Formes-pensées, une sorte de Golem folâtrant dans les grands espaces ? Un Égrégore ? Je l’ignore. Vous l’ignorez et personne ne sait ni ne saura de son vivant. Et cela n’a aucune importance.

Le Mal qui veut détruire le Bien existe et certains d’entre nous, extrêmement rares mais existants, sains d’esprit, sains de corps, parfaitement conscients et maîtres de leur milieu, sont branchés sur cette Intention, s’en abreuve jusqu’à l’ivresse. Que faire alors ? Que doit faire la Lumière quand une Intention ténébreuse veut l’éteindre selon vous ?Que faire ? Il n’y a qu’une seule attitude, une seule manière de vivre, de grandir et d’avancer, et tout ce que nous avons pour le faire se chante tout aussi aisément. Et là on se regarde et on se demande et on se met à parler plus fort pour se faire entendre vous et moi, pour répondre… Et c’est alors qu’une enfant toute jeune, passant dans la rue en sautillant comme seules les petites filles savent le faire, s’arrête brusquement en nous entendant gueuler, vous et moi. Elle s’arrête, s’avance vers nous, puis elle nous regarde droit dans les yeux, nous foudroyant par son regard parce que ce pourrait très bien être un archange déguisé qui sait, et elle nous dit : « Il faut combattre le Mal par l’Amour, il n’y a rien d’autre ! Cela fait une Éternité qu’on vous le répète, dans toutes les langues ! On doit se défendre, mais attaquer ou se venger ? Jamais ! » Puis, elle retourne chez elle pour s’amuser jusqu’à l’heure du dodo, pendant qu’une voiture passe lentement et qu’à la radio, synchronicité oblige, on entend un vieux tube des Beatles.

Une chanson des Beatles ?

All you need is love, pan pan pan pan pan, all you need is love, all you need is love, love, love is all you need all you need is love, all you need is love.[4] Et cela m’aura pris quoi, presque 300 pages pour en arriver là ? À une enfant qui nous dit les vraies choses ? Tout se résumerait donc par… l’Amour ? Une chanson des Beatles ? Vraiment ? Bon d’accord. Ça me va !

Oh, mais il me vient une idée.

Si depuis le début autant moi que tous les autres avions fait une petite erreur de terminologie ? Si les choix des mots Mal et Bien n’étaient que la résultante d’un très long et très intense conditionnement religieux ? Je suis très sérieux. Je hais les religions parce qu’elles ont participé à plus de mal que tous les instincts bâtards animaliers de la race humaine, mais un conditionnement demeure un conditionnement et je n’ai pas toujours eu cette attitude. Je suis moi aussi contaminé pas elles. Et si ces mots étaient inappropriés pour en définir la nature exacte ? Et si le Bien n’était en fait que l’ORDRE, cette logique organisation d’un univers en perpétuelle croissance et qu’inévitablement, dans toute croissance avec ses aléas, surgit ici et là, le CHAOS, pourrions-nous plutôt tout reprendre et dire que Le Chaos existe parce qu’essentiel à l’évolution de l’Ordre ?

Oui absolument ! Et que la seule façon de combattre le chaos c’est… de faire le ménage, de mettre un peu d’ordre, les yeux brillants, en chantant All you need is love, pan pan pan pan pan…

FIN


[1] Je m’autorise d’ajouter du point de vue juridique.

[2] C’est l’époque avant que la Solution Finale ne soit déclenchée par Himmler. On cherchait encore des excuses pour ces massacres.

[3] Citation de Gottfried Wilhelm Leibniz, né à Leipzig le 1er juillet 1646 et mort le 14 novembre 1716, à Hanovre.

[4] 7 juillet 1967, par John Lennon, mais créditée Lennon-McCartney.

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Esprit d’abord, humain ensuite

Jean Casault développe ici sa propre philosophie en titrant ce livre par sa devise personnelle qui lui fut révélée en plein Vol de Nuit. Il répond ainsi à toutes les questions existentielles qui puissent exister. D’où viens-je ? Qui suis-je ? Où vais-je ? Tout y est, dans une simplicité tout aussi divine que désarmante.

Disponible en librairies, en bibliothèques ou peut être commandé chez l’éditeur ou Amazon.



Catégories :Le Mal

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4 réponses

  1. C’est une très belle finale. L’Amour au sens large du terme, pourtant si simple à concevoir mais si difficile à appliquer au quotidien… Ce n’est peut-être que l’unique but de notre existence sur cette planète expérimenter l’Amour. Qui sait!

    Aimé par 1 personne

  2. Merci pour ces textes qui mènes à la réflexion, réfléchir sur le rôle du mal, le pourquoi de son existence, un mal nécessaire pour l’évolution du bien. J’ai apprécié cheminer dans cette quête au fil des semaines.

    Aimé par 1 personne

  3. Merci pour tes textes qui rappeleront sans doute les lectures des jeunes de ma générration mais lus et assimilés avec cette linpidité que tu lui apportes 50 plus tard.

    Crois moi, on a intérêt à relire.

    Aimé par 1 personne

  4. Merci beaucoup M. Casault de votre générosité à offrir cette intéressante séries d’articles sur le Mal !

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