
En tuant Guy Luckenuck, Dion vient de franchir le septième cercle de l’Enfer de Dante. Plus aucun retour n’est possible. Ce meurtre n’est pas un geste malheureux, un épisode psychotique comme on l’entend parfois. C’est un meurtre voulu, qui jamais, au grand jamais n’aurait dû se produire ! Si l’intervention d’un parent de la 4e victime à venir ne nous avait pas servie pour son arrestation, il aurait continué et continué et continué encore. Tout comme un tigre mangeur d’hommes le fait, tant qu’il n’est pas abattu !
Longtemps, il y a très longtemps de cela, alors qu’il n’était lui-même qu’un enfant, une graine sulfureuse a germé en lui, oubliée là par des parents qui ne méritaient pas ce nom, puis elle a grandi. Découverte tôt, elle aurait pu être neutralisée, mais à l’inverse, elle fut nourrie, d’année en année par nous[1], par les systèmes que nous avons mis en place et tolérés en tant que société et ce jusqu’à transformer cet être humain, en une bête. Juste ça, une bête au début, mais qui allait développer un plus grand appétit, une « faim » qui n’allait plus connaître aucune limite et qui allait utiliser l’intelligence humaine pour en raffiner l’achèvement.
Après avoir livré en détails la perpétration du meurtre avec un regret évasif, du pauvre petit qui priait Marie avant de mourir, il écrit : « Le lendemain, je ne pensai plus au petit et j’avais encore faim, il m’en fallait d’autres. » C’est ici, en ce moment précis de ma lecture, qu’en moi une image a pris forme et sur laquelle je n’avais aucun contrôle. En lisant cette petite phrase : « Le lendemain, je ne pensai plus au petit et j’avais encore faim, il m’en fallait d’autres », je me suis imaginé me placer devant lui avec une arme à feu qui ne pardonne pas et l’abattre comme un chien ! Pardonnez ma transparence brutale et sans appel, mais c’est ainsi. Je me suis remis de cette pulsion qui m’a saisie littéralement à la gorge. J’ai alors compris qu’il est fort possible que presque tous les lecteurs de cet ouvrage l’aient partagé, les hommes plus particulièrement, peut-être même bien avant, mais voilà, nous crions vengeance, nous crions justice parce que c’est tout ce que nous pouvons faire devant l’innommable. Et ce que vient de faire Dion, l’est !
Il est insupportable de penser qu’un homme puisse agir de la sorte, ce n’est pas un humanoïde venu d’une autre planète, monstrueux, comme on en voit dans les films et qu’on zappe d’un coup de laser parce qu’il menace d’exterminer l’humanité. C’est un enfant, un des nôtres, que nous avons abandonné et qui est d’abord devenu une proie, que nous avons laissé se faire abuser puis corrompre jusqu’à la moelle, que nous n’avons pas protégé et qui un beau jour, de proie facile, est devenu une proie docile puis un prédateur et finalement un monstre et que là, nous voudrions tuer. Il y a de nous tous là-dedans, dans cette tragédie.
Nous sommes là, à nous émouvoir parce qu’un enseignant ose utiliser le mot nègre dans son cours d’histoire, on se révolte pour une main sur un genoux, une caresse non désirée, et ça va, je ne m’objecte pas à ces petites sautes d’humeur plus ou moins collectives, mais pendant ce temps, des enfants encore de nos jours sont maltraités, oubliés, abandonnés, traînés d’une famille d’accueil à l’autre et dont les motivations ne sont pas toujours basées sur un fond de générosité, mais plutôt sur une source de revenus. Ils grandissent comme une herbe toxique et dans 10, 15 ou 20 ans, on réclamera leur tête parce qu’ils seront devenus des violeurs ou des tueurs.
Alors désolé, mais vos cris d’orfraie pour une touchette entre artistes qui ont pris un coup me feront réagir quand vous porterez votre regard là où sont les vrais ferments de la haine et du mal.
Il faudrait penser davantage à ceux qui font vivre les intervenants de la rue, les enfants laissés pour compte, les ados d’à peine 15 ans qui se piquent ou se prostituent. Alors, pleurez vos dentelles froissées jusqu’à plus soif, mais ne perdez jamais de vue la chair essorée par des corps massifs, le sang javellisé par l’acide et le cerveau qui se ferme aussi tard la nuit qu’il s’éveille à peine au matin. Ils n’ont que 14 ans, 16 ans, EUX. Et ce n’est pas de la télé ! Léo-Paul Dion est un produit de notre épouvantable indifférence du temps. Cela a-t-il changé de nos jours. Je me le demande très sérieusement.
Pour illustrer cette effroyable banalisation que Dion fait de ses actes, il en donne une version presque ludique qu’il suppose partagée par le lecteur, car jamais en aucun moment dans ses écrits, il ne s’excuse, nous prévient, nous avertit ou même explique le pourquoi de ses choix de mots. Je l’ai mentionné au début, les pires passages de son manuscrit ne sont pas que descriptifs, c’est le ton qu’il adopte et surtout sa nonchalance qui est insupportable. Elle le rend soudainement humain, elle nous rappelle que justement ce n’est pas un humanoïde extraterrestre avec des crocs de 15 centimètres, c’est un citoyen de Québec, fort comme un ours, intelligent comme un singe, capable d’être très aimable, et qui comme tout le monde ne demande qu’à vivre, mais qui cache une nature monstrueuse devenue une anomalie majeure de l’évolution. Nous avons laissé un véritable psychopathe s’ébattre parmi nous.
Ses deux prochaines victimes sont Michel Morel (10 ans) et Alain Carrier (8 ans). Il explique les avoir attirées avec son alibi de photographe et si aujourd’hui même un enfant de 5 ans l’enverrait paître, à cette époque c’était sans aucun doute intriguant, voire fascinant. Il relate de véritables séances de photographies, encombrées de propos suggestifs, de sous-entendus, dans le but de nous amadouer. Puis, il passe à la description et rédige le tout comme un romancier spécialisé dans l’horreur le ferait pour exciter son lectorat.
Mais je vois très clairement dans son jeu ! Il essaie de rentrer dans ma tête, de me distraire, de me faire oublier qu’il est un monstre pour que je me plaise à le lire, peut-être en suis-je un moi aussi, ou alors qu’il est aussi normal que moi ? À ce moment-là, sans doute pour renforcer la normalité de ses gestes, Dion veut nous faire croire, parce que lui y croit, que les enfants collaborent avec ce mystérieux photographe qui très bientôt abandonnera la caméra pour se mettre plus sérieusement au travail et qu’ils vont volontairement participer à ce jeu.
Ce qui suit est outrageant, aussi je relate les faits, mais sans les décrire. Ce sont des poses dans l’action, une action forcée qui ne fonctionne pas à son goût et qu’il modifie en utilisant sa force. Ce sont des gestes dégradants, immondes qu’il oblige les enfants à adopter entre eux. Il en va ainsi avec de plus en plus de détails narrés durant plusieurs pages jusqu’à ce que je réalise, que ces jeux auraient pu ainsi se continuer longtemps, mais que son problème récurrent survenant changeait la donne.
Le sexe ne suffisait plus et il perdait son érection. Il était bouleversé et ne savait plus que faire. De la manière dont il en parle, il donne l’impression que nous, lecteurs, sommes désolés pour lui, ce qui est très déstabilisant. C’est tout juste s’il s’attend à ce qu’on dise « Pauvre de lui, il ne peut plus bander ».
Il les tuera tous les deux et ajoutera un détail d’une cruauté extrême : il tue le plus petit tout en lui conseillant de réciter son Ave Maria s’il veut aller au Ciel et l’achève pendant que l’enfant priait !
Là, j’ai fait une pause. J’ai fermé ce livre de merde et je me suis demandé si le mal avait des limites. Des lectures subséquentes à venir, me disent que non. J’ai repris ma lecture le lendemain au bureau de Guy Bertrand sans grand enthousiasme.
La seconde phrase la plus abominable et vous le verrez n’est pas descriptive de faits immondes, mais une remarque, un simple commentaire, qui m’a complètement bouleversé.
« Je me rhabillai, puis voyant qu’il ne bougeait toujours pas, je l’entortillai dans une sorte de vieille couverte ou plutôt un tapis à plancher à tisser de couverte, le mettant en petit bonhomme. Il ne faisait pas un gros paquet ! »
C’est une phrase foudroyante. Il vient d’abuser sexuellement d’un enfant, puis il vient de le tuer froidement, sans aucune passion, sans frénésie, calmement en incitant le petit à prier pour aller au Ciel… Sans aucune compassion, sans empathie, tout ce qu’il arrive à nous dire, sans y mettre d’effet ou se retenir, c’est qu’une fois entortillé dans ce tapis « il ne faisait pas un gros paquet ». C’est ça la véritable horreur qui caractérise Léo-Paul Dion ; sa nonchalance ET son indifférence devant l’impensable et l’infaisable. Nous sommes loin des psychopathes darks et lugubres du cinéma quand la phrase la plus terrifiante se résume à nous dire qu’un cadavre d’enfant « ne fait pas un gros paquet». On est loin de IT[2] ou même du Joker au cinéma.
Et ainsi moururent des mains d’un psychopathe, Alain Carrier et Michel Morel. Dans les semaines qui suivirent, il admet candidement ne plus penser à eux, même s’il voyait leurs photos à la télévision annonçant leur disparition. « C’était comme si je n’avais rien à voir avec eux. »
Il est intellectuellement conscient d’avoir fait quelque chose de mal parce que ce n’est pas un débile. Il est intelligent et prend toutes les précautions pour ne pas se faire prendre[3], mais il ne ressent pas le mal, pas plus avant, pendant, qu’après avoir posé ces gestes. C’est tout juste si dans sa tête ça ne dit pas : Ouais apparemment c’est mal, c’est pas correct mais bon, moi c’est ça que je veux quand j’ai très faim, alors tant pis. Ça et voler une frite dans l’assiette de quelqu’un parce qu’on a une fringale, c’est pas grave !
Le décalage entre ce qui passe dans la tête de Léo-Paul Dion et la nôtre est incommensurable. Soit qu’il le sait et s’en moque comme de sa première dent ou il ne s’en rend pas compte et c’est d’ailleurs ce qu’il nous dit, pas en mots, mais en décrivant de ce qu’il a fait par la suite ! Et je crois sincèrement que c’est cela : il ne s’en rend pas compte.
Lors de la perpétration des meurtres, c’était le début de la saison de la pêche, alors ce même jour des meurtres d’Alain et Michel, il est allé pêcher et ce faisant, il s’est construit une petite cabane et notez bien les mots qu’il utilise pour la décrire : « Alors avec des planches ici et là, des branchages, je me suis construit ce petit abri pour mes affaires amoureuses ». Il ne daigne même pas mettre les mots « affaires amoureuses » en italique ou entre guillemets ! Pour l’objet de recherche de cette série, ce point est crucial, car il donne l’impression qu’il ne fait vraiment pas la différence entre le Bien et le Mal. Mais c’est faux. Il fait le mal et il le sait, parce que la société, les médias, la police eux, font cette différence, alors comme il est intelligent, il voit bien que sodomiser des enfants et les tuer est mal, mais son problème est qu’il ne ressent ni l’horreur du geste, ni la terreur sans nom qu’ont éprouvée ces enfants et ni la détresse insondable que vont ressentir les parents. Dion est un psychopathe et de nos jours, on pourrait même dire un sociopathe. Entre lui et sa conscience, c’est comme si un tampon isolant très compact s’était construit peu à peu. Au moment de commettre l’irréparable, absolument rien dans sa nature ne vient l’arrêter, tout l’incite à poursuivre, sa faim étant la maîtresse absolue de tout ce qu’il est. Il est sa faim.
Sa dernière victime Pierre Marquis.
Il voit le jeune de 13 ans dans l’eau du Fleuve Saint-Laurent à la plage aux Foulons. De me rappeler que nous y étions nous aussi, mes amis et moi, très souvent à cet âge, me donne le frisson. Utilisant toujours la même ruse du photographe professionnel à la recherche de jeunes modèles « pour la médecine », il entraîne l’enfant dans son antre, comme une araignée géante. Croyant que tout se passerait comme avec les autres, Dion entreprend son agression, mais Pierre Marquis réagit violemment, il ne veut pas de ça et se débat avec une vigueur qui surprend et déçoit Dion. Il se dit atterré, mais la faim est éveillée, il est trop tard, il utilise donc sa force herculéenne et maîtrise l’enfant très facilement, l’attache et c’est alors que celui-ci réalise que la suite est insupportable et lui demande de ne pas lui faire ça… mais plutôt de le tuer.
Je ne décrirai pas les scènes suivantes. C’est une lutte entre un géant qui cherche à attacher les mains d’un petit garçon de 13 ans qui se débat et crie avec toute l’énergie dont il dispose. Plus âgé, plus fort que les précédentes victimes, Pierre Marquis aura tout fait pour sauver sa vie. Parvenant à l’attacher, en le menaçant constamment de lui rentrer son couteau de chasse dans le ventre, il tente de le violer, mais l’enfant se tortille, crie, hurle, se tord et résiste à un point que Dion devient enragé et étale sa rage en des mots impubliables et cette sauvagerie sans nom se poursuit et lui-même ne se souvient plus de rien. Il passe à la psychose meurtrière. Le psychopathe devient psychotique. Nous verrons la différence.
Il dit s’être retrouvé « debout, avec l’enfant à genoux devant moi me suppliant de ne pas le tuer, pour sa mère ». Il le tuera sans aucune hésitation. Plus que jamais devenu un terrifiant tueur en série, heureusement il avait été suivi de loin par un parent[4] du jeune Marquis et suite à des fouilles dans le secteur, il sera enfin capturé par les policiers.
Il était temps, Dion ne se serait jamais arrêté. Pour quelle raison l’aurait-il fait. Il avait toujours faim ! Il suffit de lire ce qu’il a fait après le meurtre de Pierre Marquis. Il s’est habillé, il est allé pêcher, il a jasé avec d’autres pêcheurs et campeurs, puis quand tout le monde fut parti, il s’est déshabillé, s’est fait jouir en songeant à sa victime et en retournant sur les lieux du crime, tenta même de poser un geste de nécrophilie, mais en vain, après quoi il a recouvert le corps de roches, de branches et de feuillages, puis il est rentré chez-lui. Léopold Dion termine son manuscrit par ces mots !
« Maintenant la société va me juger. Je n’ai pas grand-chose à dire. Beaucoup ne voudront pas même que je me défende. Mais quoi que je sois devenu, ce que je suis aujourd’hui, je ne me suis pas fait moi-même. À la société je dirai : Tu me juges mais c’est toi-même que tu juges en moi. »
De tout ce que j’ai lu de sa main, c’est le seul point sur lequel je lui donne raison. Nous avons inconsciemment, mais collectivement, créé le monstre de Pont-Rouge.
[1] Dont ces religieux qui en avaient la garde et qui ne furent pas inquiétés puisqu’ils avaient notre confiance !
[2] De Stephen King
[3] Il a enterré les corps en prenant soin de placer des roches sur la terre de sorte qu’ils ne soient pas retrouvés.
[4] Je n’ai pas su si ce héros a été honoré pour son geste, mais il a sauvé la vie de plusieurs autres enfants.
Prochain article (8). L’analyse du Dr Camille Laurin lors du procès.
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Les religions, c’est assez !
Le Christ est le chef de tout homme et l’homme est le chef de la femme ! Voilà une affirmation connue pour être celle de Saint-Paul dans un texte sacré extrait du Nouveau Testament. Quand même ! À ne pas citer lors d’un mariage ! Mais bien au-delà, les prétentions religieuses sont intolérables et n’ont rien de divin ou de céleste et pourtant on les subit depuis plusieurs milliers d’années.
Les religions, sans aucune exception, n’ont aucun fondement réel, pas plus que contes, légendes et mythes. Pas plus Thor, Hercule, Osiris, Jésus, que Moïse ou Abraham, n’ont existé sur le plan historique et l’historicité des récits musulmans est douteuse.
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Catégories :Le Mal
Tout ce que j’ai lu sur Dion était dans les journaux d’époques et vos articles. Des Dion, il y en a encore trop dans ce monde. Ce sont des incarnations du MAL.
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Vous verrez que je ne partage pas cette opinion et vous verrez pourquoi.
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Merci de ne pas avoir mis les détails. J’ai mal au ventre juste d’avoir lu ce que tu as écrit. C’est un trou noir sans fond.
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Oui je sais. je vous fait frôler un précipice terriblement glauque, mais je n’ai pas le choix. C’est un ouvrage sur le mal, à la recherche du Mal. Ignorer le Mal c’est oublier et faire di du pourquoi de notre incarnation ici même.
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Le mal existe et peut exister dans chacun de nous peut se développer comme dans Dion ,dans notre conscience dans toutes les vies qu’ont à connue on est ce qu’on est on évolué où on régresse, en Dion il à l’animal en lui un prédateur prêt à tuer pour survivre son instinct pas d’émotion rien seulement la faim
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