Nous sommes tous des animaux, certains plus que d’autres (article 12)

Crédit pour le montage graphique : Éric Dorion

Usant des recettes de Darazi, il essayait de faire glisser sa conscience du cerveau à d’autres régions de son corps, à peu près comme on déplace dans une province éloignée la capitale d’un royaume. Il tentait çà et là de projeter quelques lueurs dans ces galeries noires. Marguerite Yourcenar, L’Œuvre au noir. Éditions Gallimard. 1968.

Afin de compléter cette partie de la série portant sur l’animalité de l’homme, je propose la théorie du cerveau triunique. Elle a été introduite par le neurobiologiste Paul D. MacLean au cours des années 50 et popularisée par l’auteur Arthur Koestler.[1] Cette théorie veut que nous ayons, depuis le tronc cérébral dans la nuque jusqu’au cerveau lui-même, trois couches successives de cerveau au fil de notre évolution depuis ses tout débuts. Comme de nombreuses autres théories dans tous les domaines de la science, elle ne fait pas l’unanimité, mais n’en demeure pas moins fascinante. Et à mon sens, elle tient la route.

Donc créationnistes s’abstenir !

En espérant pour moi qu’aucun d’entre vous ne soit encore accroché à l’image des premiers humains conçus par un souffle divin sur une tripotée de vase pour devenir un gentil couple errant dans les arbres fruitiers pour leur plus grand malheur, rappelons que les premiers homo sapiens évoluaient dans un environnement extrêmement hostile et qu’ils ont développé, en conséquence, des réflexes de survie autrement plus aiguisés que les nôtres actuels, et dès lors très violents. Que nous le voulions ou pas, cela constitue notre patrimoine à tous, mais partagé inégalement.

Avant même d’être un hominidé ou même un primate, nos très lointains ancêtres furent les fondateurs de la vie pluricellulaire sur Terre. Du sang d’éponge coule dans nos veines ! Lorsqu’on inverse le processus de l’évolution et que nous rétrogradons depuis l’homme jusqu’à l’apparition de la vie il y a entre 3.5 et 4 milliards d’années, l’exercice brosse un tableau très primaire de nos conditions de vie où la règle de tuer ou être tué domine tout à chaque seconde jusqu’à il y a 6000 ans et plus quand nous avons commencé à devenir civilisé.

Cela peut sembler étrange de le dire ainsi, mais tuer fut, des milliards d’années durant, le mode de vie de toute forme de vie. Tout juste avant de devenir un mammifère, nous étions des tétrapodes et avant cela des chordés. Puis, l’homme primitif, à peine extirpé de son milieu simiesque, a développé un cerveau plus évolué que celui de type reptilien qu’il avait et qu’il possèderait toujours, mais affaissé, pour laisser place au cerveau limbique, typique des mammifères et plus tard à l’avènement du cerveau, dit néocortex, de l’homo sapiens.

Trois cerveaux qui n’en font plus qu’un, mais les deux premiers avec des réminiscences ! Nous aurions encore de petits spasmes nerveux de reptiles vieux de 400 millions d’années, tout comme nous conservons du cerveau limbique, l’instinct animal, dont celui de se défendre, mais surtout l’instinct parental, dont le maternel, soit celui de protéger nos enfants comme les mammifères protègent leurs petits.[2]

Je ne peux pas oublier cette femme outrée, voire enragée, qui un jour en ondes, après que j’eus exprimé cette réalité, m’a traité de tous les noms d’animaux de basse-cour possibles parce que j’avais osé dire que son instinct de mère était d’origine primitive. Je ne m’en suis pas excusé, ce n’est pas moi qui ai créé l’homme, la nature étant ce qu’elle est ! Le cerveau limbique est associé aux émotions capables de déclencher des conditions proches de la panique ou un stress énorme dans des conditions spécifiques, causes de choc nerveux. Il nous arrive, nous les humains, de trembler comme un faon dans certaines circonstances, ce qui correspond à la sécrétion dans notre système, de plusieurs types d’hormones dites d’urgence, dont bien sûr l’adrénaline. Cela dit nous avons encore un cerveau primitif à l’œuvre, que cela nous plaise ou non.

Ainsi, l’homme moderne a parfois…

« …cet atavisme, qui en biologie évolutive du développement, réfère à la réapparition d’un caractère ancestral chez un individu qui normalement ne devrait pas le posséder. Ce trait peut soit avoir été perdu ou encore avoir été transformé au cours de l’évolution ».[3]

Cessons de dire que nous sommes égaux c’est faux

Pas plus que nous sommes pareils. Nous ne sommes pas tous égaux à ce niveau, à l’effet que plusieurs ont un accès variable à leur côté primitif atavique, leur reptile si vous voyez ce que je veux dire. En d’autres termes, dans une même situation critique donnée, il y a des gens qui vont se braquer, se défendre et résister, d’autres vont s’effondrer en pleurs et faire dans leur froc, comme le veut l’expression populaire, alors que d’autres vont réagir froidement en faisant face, quitte à être secoués bien après les faits, une fois l’urgence terminée. Ceux-là deviennent soldats, policiers, mercenaires ou tueurs à gages.[4] Ils seront encore là, exposés aux chocs traumatiques à différents niveaux, depuis l’absence de ces derniers jusqu’à des crises de folie frôlant la schizophrénie. Puis, par gradation vers le haut on arrive à des êtres humains si déconnectés de leur cervelle reptilienne que rien ne les fera ressentir de telles pulsions meurtrières, même lorsque confrontés à des situations de crises, dans un immédiat foudroyant. Mais ils sont plutôt rares, quoique de plus en plus en nombreux, car faut-il le dire, nous évoluons !

Il en faut si peu pour s’animaliser

Loin de moi l’idée de comparer ce qui suit avec un désordre mental, mais il y a tout de même matière à réflexion.

« Il suffit d’un faible taux de glycémie pour provoquer une synthèse et une libération d’hormones de la part de plusieurs organes du corps, pour contrebalancer l’hypoglycémie. Dans ces hormones, on retrouve l’hormone de croissance venant de l’hypophyse, le glucagon sécrété par le pancréas, ainsi que l’adrénaline et le cortisol qui viennent des glandes surrénales. Ces décharges brusques favorisent en nous une réaction de colère, voire de rage. À cela, s’ajoute une substance chimique naturelle appelée neuropeptide Y, qui agit notamment sur le récepteur Y1. Or, l’agressivité et la colère sont également régulées par ce neuropeptide et ce récepteur. »[5]

Si une petite faim, qui fait que tu n’es pas toi-même,[6] fait cela, on peut reconnaître alors à quel point l’être humain est très fragile et perméable à une grande quantité de facteurs extérieurs sur lesquels il n’a aucun contrôle. Faire le Mal n’est donc pas une Intention chez eux, mais une conséquence.

Dans le cadre d’une étude expérimentale en laboratoire aux États-Unis et au Kenya, intitulée The Urban Crime and Heat Gradient in High and Low Poverty Areas,[7] Kilian Heilmann, Matthew E. Kahn écrivent que les participants à l’étude démontraient « une augmentation du plaisir de détruire » lorsque soumis à des températures ambiantes augmentées. Une autre revue de littérature publiée par Science établit également des corrélations existantes entre la violence interpersonnelle et sociale et les anomalies de chaleur et de précipitations. Dit autrement, plus la chaleur était extrême et plus les précipitations déviaient significativement des normales vers le haut, plus la violence entre des personnes, mais aussi des groupes sociaux, augmentait. Les villes les plus violentes, aux taux de criminalité les plus élevés et de beaucoup, sont toutes situées sous des latitudes équatoriales.

On se bat plus dans les rues de Porto-Rico dans les Antilles, que dans celle de Fairbanks en Alaska. Et c’est un fait, pas une boutade ! On l’a vu plus haut, il existe des centaines de désordres et de troubles mentaux et nous ne connaissons pas la suite à venir. Finalement, avoir faim ou avoir trop chaud est une réalité aussi ancienne que la vie elle-même et tuer, se battre, attaquer ou se défendre sont des comportements primitifs, mais toujours présents dans le très lointain cerveau du singe éduqué que nous sommes devenus. Et nos conditions particulières d’animaux intelligents, enfermés dans un zoo adapté, n’aident certainement pas. Comme l’écrivait le naturaliste Desmond Morris.[8] 

« Les pressions de la vie moderne deviennent accablantes, le citadin harassé qualifie souvent le monde grouillant où il vit de jungle de béton. Expression pittoresque (…) qui n’en est pas moins une description de la vraie jungle. »[9]

Que dire alors des drogues !

Les animaux ne se droguent pas alors que l’usage de drogues chez les humains est stupéfiant. Tous ont en commun la recherche d’un état altéré de la conscience, soit en l’endormant ou en l’exacerbant, comme c’est le cas du fentanyl ou du captagon « et que les djihadistes du Daech utilisaient pour chasser toute forme d’empathie en eux, soit ne ressentir ni douleur ni émotion et devenir des tueurs parfaits ».[10] Le journaliste Oskar Rickett rapporte l’étude qu’il a faite du livre de l’historien polonais Lukasz Kamienski.[11]

« L’historien démontre que consommer de la drogue pour améliorer ses capacités militaires est une tradition vieille comme la guerre. Les assaillants de l’État islamique étaient dopés aux substances psychotropes, ils étaient bien loin d’être les premiers : les guerriers-fauves entraient en transe grâce aux champignons hallucinogènes, les guerriers incas se maintenaient éveillés grâce aux feuilles de coca, les soldats de la guerre civile américaine étaient dopés à la morphine et la Wehrmacht carburait aux amphétamines artificielles (speed).

Dans les années 1980, l’historien John Keegan a répondu à la question pourquoi les soldats se battent, par : incitation, coercition et narcose. Kamienski fait valoir qu’en plus de l’incitation à combattre via des entraînements déshumanisants et de la coercition exercée par les nations pour que les gens se battent en leur nom, la narcose peut être comprise de façon littérale : pour tuer, il faut se mettre dans un état d’esprit différent. Les drogues peuvent pousser les soldats à commettre des actes qu’ils seraient incapables d’effectuer en temps normal : elle les dépouille de leur humanité et les transforme en véritables armes de combat.

La preuve anthropologique démontre que nous ne possédons pas d’instinct de combattant. Il est difficile de franchir la limite qui nous rend capables de tuer d’autres êtres humains. Le but est de transformer un civil en un soldat capable de tuer sans souffrir de séquelles psychologiques. Shooting Up adopte une approche chronologique, de l’ère prémoderne à notre époque actuelle. Nous apprenons que les hoplites grecs carburaient au vin, que les héros homériques buvaient de l’opium et que les tribus sibériennes consommaient des champignons magiques. Mais tous font bien pâle figure face aux Vikings, grands consommateurs d’amanites tue-mouches. Dans l’histoire de la guerre, ces guerriers vêtus de peaux d’ours ont suscité la terreur comme personne. « De la colère des hommes du Nord, ô Dieu, délivre-nous ! » priait quiconque était à leur portée. La mythologie veut que la colère des Vikings, qui décuplait leur force, les dépossédait de leur humanité et les immunisait contre la douleur, eût été provoquée par le dieu Odin. Mais selon Kamienski, les Vikings parvenaient à cet état en ingérant ces champignons communs dans nos forêts et terriblement efficaces. Il cite le toxicologue Erich Hesse, qui écrit : « les personnes intoxiquées imaginent qu’elles se transforment en animaux, et cette hallucination est complétée par la sensation d’avoir des plumes ou du poil. »[12]

L’instinct animal est donc encore très présent en nous, mais pour l’exacerber au point de tuer aisément, il faut recourir à des modifications importantes autant psychologiques que biologiques. Le soldat ou le terroriste devenu fou qui tue femmes et enfants ne le ferait sans doute pas s’il n’avait pas subi un conditionnement mental et psychique doublé de la prise de produits extrêmes.

Prochain article (13). La prédation est naturelle et innée


[1] The ghost in the machine, 1967. Éditeurs : Hutchinson et Macmillan.

[2] On présume qu’en évoluant davantage cet instinct parental deviendrait plus global, s’étendant à toute vie et non celle exclusive de nos liens sanguins.

[3] Stiassny, M. Atavism. In Keywords And Concepts in Evolutionary Developmental Biology. Harvard University Press. 2003.

[4] Lt. Col. Dave Grossman, On Killing.  

[5] Jacques Young du Collège des enseignants d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques (France)., Endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques. Elsevier-Masson.

[6] Clin d’œil à la pub de Snickers.

[7] Commissions de crimes selon la température extérieure en milieu urbain. Une recherche du Bureau national de recherche en économie. NBER. Working Paper No. 25961. Issued in June 2019. Nber.org

[8] Le Zoo humain et aussi à lire : Le singe nu.

[9] Il faudra qu’un jour on analyse très sérieusement les conséquences funestes et insoupçonnées du confinement planétaire causé par une gestion accablante de la pseudo-pandémie de la COVID-19.

[10] TPE : Drogues et mortalité, Paloma Humbey. Benjamin Vincens et Nestor Mairot.

[11] Shooting up, A history of drugs in warfare.

[12] Article d’Oskar Rickett. La drogue transforme les soldats en machines de guerre. 12 avril 2006 sur vice.com

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Les religions, c’est assez !

Le Christ est le chef de tout homme et l’homme est le chef de la femme ! Voilà une affirmation connue pour être celle de Saint-Paul dans un texte sacré extrait du Nouveau Testament. Quand même ! À ne pas citer lors d’un mariage ! Mais bien au-delà, les prétentions religieuses sont intolérables et n’ont rien de divin ou de céleste et pourtant on les subit depuis plusieurs milliers d’années.

Les religions, sans aucune exception, n’ont aucun fondement réel, pas plus que contes, légendes et mythes. Pas plus Thor, Hercule, Osiris, Jésus, que Moïse ou Abraham, n’ont existé sur le plan historique et l’historicité des récits musulmans est douteuse.

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Disponible en librairies, en bibliothèques ou peut être commandé chez l’éditeur ou Amazon.



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4 réponses

  1. C’est en lisant cette partie que je réalise que face de book est néfaste pour moi. Je me rends compte de ma vulnérabilité depuis la dérangeante apparition du virus et combien les guerriers en tout genre m’affecte par leur colère. Certe plusieurs apportent une lumière sur la Réalité de ce qui se passe, mais d’autres en des messages de colère. Hors là où j’en suis rendue c’est la Paix dont j’ai besoin. Bref, votre lecture est toujours aussi passionnante et lumineuse, elle m’éclaire. Votre réverbère est vraiment lumineux! Merci !

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    • Il suffit de lire comme avec un parapluie, comme les messages à répétition des journaleux, ça coule sur mon parapluie et ne me mouille pas, autrement dit ça me passe par dessus la tête et ne m’affecte en rien.

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  2. Un bon résumé portant sur l’animalité de l’homme, je vous remercie.

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  3. Très bon lecture comme toujours et très intéressant l’humain à beaucoup de chemin à faire et des fis je me rend cone aussi que j’ai de la colère dans certaines circonstances il y a toujours une amélioration à faire et d’évoluer merci j’adore vous lire

    Aimé par 1 personne

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